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Instagram tolère #lesbian mais planque #lesbians

Masquer le terme au pluriel confirme l'opacité et le ridicule du fonctionnement de la politique de modération du réseau social américain.
Défilée de la Gay Pride, à Sao Paulo, en juin 2018. (Photo Antoine Nelson.AP)
publié le 1er février 2021 à 20h50

La chanteuse Angèle a eu la surprise, dimanche, de constater qu'Instagram masque le hashtag #lesbians. Après nos confrères de Numérama, nous avons fait le test ce lundi après-midi. Le mot dièse est toujours placardisé. Le message affiché indique ceci : «Les publications pour #lesbians ont été limitées, car la communauté Instagram a signalé du contenu susceptible de ne pas respecter ses règles.» Son usage au singulier (#lesbian) ne pose, en revanche, aucun problème. Quelle conclusion en tirer ?

Il est possible que l'algorithme de modération d'Instagram soit un adepte zélé du théorème Hortefeux qui dit ceci : «Il en faut toujours un[e]. Quand il y en a un[e], ça va. C'est quand il y en a beaucoup qu'il y a des problèmes.» Blague à part, l'incompréhension grandit, en constatant qu'en français, #lesbiennes et #lesbienne sont tout à fait accessibles. En espagnol #lesbiana… ça passe, #lesbianas… ça casse.

Autre théorie absurde que nous échafaudons : les cerveaux derrière l’algorithme ont suivi une formation sur les discriminations LGBTQIA+ et se sont rendu compte que les pluriels sont la porte ouverte à toutes les généralisations. Mais à force de tenter de rendre compréhensible l’incompréhensible, on devient aussi cryptique que les règles du jeu fixées par les régulateurs autocratiques.

Au diable les spécificités locales

Première certitude, qu'apporte une enquête du New York Times qui se penche sur l'arrière-boutique «des règles de modération» chez Facebook (propriétaire d'Instagram) : l'optimisme n'est pas de mise. On y apprend que les modérateurs eux-mêmes sont frustrés du manque de temps et du manque de recul face au contexte des publications sur lesquelles ils doivent trancher. Les traductions sont faites à partir de Google Traduction. Au diable les spécificités locales. Chaque mardi, les règles sont discutées et un PowerPoint est envoyé aux 7 000 modérateurs dans le monde qui sont, pour beaucoup, des sous-traitants.

Autre certitude : sur Instagram, on a plus chance d'être censuré si on est une femme. Les militantes féministes se plaignent régulièrement de la suppression de leurs contenus. Les femmes en surpoids qui posent nues (en cachant leurs seins) aussi. En octobre dernier, Instagram s'est «engagé» à moins les censurer. On se souvient du sort qu'a connu, la même année, Barbara Butch voulant poster la une de Télérama sur laquelle elle posait nue.

Ailleurs sur les réseaux sociaux, ce n’est pas mieux. Twitter a provoqué un tollé et s’est excusé la semaine dernière, après avoir supprimé les comptes de militantes qui se demandaient comment mettre fin aux viols.

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