Bouton Lire dans l'app Lire dans l'app
Ligue des champions

A Paris, «j’avais préparé ma story Insta de victoire, je vais faire quoi maintenant ?»

Dans la capitale, les supporteurs du PSG ont suivi la finale de la Ligue des champions dans et autour du Parc des princes. Jusqu'à la défaite et une fin de soirée plus tendue.
A Paris, dimanche soir, après la finale de la Ligue des champions. (Denis Allard, Denis Allard/Photo Denis Allard pour Libération)
publié le 24 août 2020 à 5h20
(mis à jour le 24 août 2020 à 7h20)

Saint-Lazare, arrêt de la ligne 43, vers minuit et demie. Des dizaines de supporteurs du Paris-Saint-Germain s'extirpent du bus, passé à côté des Champs-Elysées et se ruent vers le McDo encore ouvert. D'autres gagnent le métro. «J'avais préparé ma story Insta de victoire, je vais faire quoi maintenant ?» ironise une ado en descendant les marches. Un peu moins de deux heures plus tôt, le PSG s'est incliné face au Bayern Munich 1 à 0 lors de la première finale de Ligue des champions de son histoire. La fête, attendue par des milliers de fans présents aux abords de l'Arc de triomphe, est finie avant les derniers trains. C'est le lot de consolation des perdants.

Plus tôt dans la soirée, vers 18 heures, des groupes d'ultras s'amassent par centaines devant les portes du stade, installent l'ambiance. Tambours, chants et fumée rouge. Derrière eux, le cordon de CRS se referme, les entrées sont filtrées de plus en plus loin des points d'accès à l'intérieur du Parc. Seuls entrent les spectateurs munis de billets, la jauge a été limitée à 5 000 personnes, mais, dans la rue, nombreux sont ceux qui tentent le coup quand même. «Je suis venu de Noisy [en Seine-Saint-Denis, ndlr], on va essayer d'entrer, ils laissent passer de l'autre côté», croit savoir Ivan, avec trois compères. Ils filent avec leurs illusions vers le boulevard périphérique.

Maillots bleu, rouge et blanc, sweats, joggings, casquettes : vers 20 heures, les abords du Parc ne sont plus qu'un vaste éventail des produits dérivés du PSG. Ça se tend à mesure que l'heure tourne et que les portes du stade restent closes à ceux qui n'ont pas de laissez-passer. Les CRS tirent au lacrymogène dans des petites rues étroites. Ça va d'un point d'accès à l'autre, les refoulés de la porte F croisent les refusés de la porte M. Un homme, la quarantaine, s'amuse de l'absurdité de la situation : «Je ne sais pas où je vais, je suis les gens, je vais regarder le match sur mon portable je crois.» «On n'a plus le temps là, faut trouver un bar», s'alarme un jeune homme.

«Je le sens pas, c’est mal embarqué»

Le match commence, à l'intérieur du Parc il est retransmis sur deux écrans géants. Dehors, les fidèles le suivent par groupes sur leurs smartphones. Posés devant la porte A, Sami et trois amis ont carrément ramené leur enceinte qui retransmet les commentaires sur fond de chants de supporteurs – ajoutés artificiellement puisque la finale se joue dans un stade sans public à Lisbonne. «On est bien là, si on gagne, ça va commencer ici et on va aller sur les Champs», pronostique Sami. «Bien sûr qu'on va gagner», lui renvoie son pote. La première mi-temps se passe là, au-dessus du périphérique, en dessous des gradins du Parc. Rires nerveux tirant sur les aigus lors des occasions. «Tranquille, c'est pas un but, c'est un poteau !» Certains smartphones ayant du retard dans la retransmission du direct, la rumeur de l'intérieur précède souvent les cris des fans du dehors. Mais la clameur triomphale annonciatrice de but n'arrive pas.

A la mi-temps, les quelques magasins d'alimentation ouverts sont pris d'assaut. En attendant son kebab, Paul partage ses impressions. «Je le sens pas, c'est mal embarqué.» En même temps, certains groupes commencent à s'agiter dans les rues adjacentes. Une brigade de gendarmes motorisés se prépare dans la nuit en faisant bien vrombir les moteurs. Aux fenêtres des immeubles, des habitants applaudissent.

«On va la gagner l’année prochaine»

Dans les quelques bars ouverts entre le Parc des princes et les Champs-Elysées, les spectateurs se déversent sur les trottoirs. Mais l'ambiance n'est pas vraiment à la fête, Paris vient de se prendre un but. «C'est pas fini !» répète Amine, rivé sur son portable. Quand ça l'est vraiment, les Champs se remplissent peu à peu. Surtout des jeunes, plus excités que dépités, qui sursautent et poussent des acclamations dès qu'une grenade ou un feu d'artifice fait du boucan. «On est déçus mais on va la gagner l'année prochaine», rigole une ado.

D'un coup, tout le monde se met à courir en remontant l'avenue. Impossible de savoir pourquoi. Ça se reproduit plusieurs fois. Au balcon d'un immeuble, niché très haut, au 6e étage, un supporteur de Marseille s'égosille : «A jamais les premiers !» Des feux d'artifice sont tirés, puis des bouteilles de verres en direction des CRS qui bloquent toutes les rues adjacentes. Les forces de l'ordre répliquent avec des lacrymogènes – lundi matin, la préfecture annonçait avoir procédé à 148 interpellations. La fête est finie. Heureusement, il reste encore des métros.

Tag QA