Vingt-cinq ans que les supporters parisiens attendaient de retrouver les demi-finales de la plus prestigieuse et lucrative compétition européenne. C’était au mitan des années 1990, lorsque le PSG s’invitait dans toutes les compétitions européennes, de la coupe UEFA à celle des vainqueurs de coupes (les deux ayant depuis fusionné dans la Ligue Europa), et un passage en Ligue des champions, donc. Point de match sec comme cette année à Lisbonne pour ce millésime 1995, mais une formule des plus classiques, en aller-retour, avec le Parc des princes comme décor de la première confrontation, contre le grand AC Milan.
Tombeurs du grand Barça au tour précédent, les Parisiens ne sont jamais arrivés aussi loin. Leur seule apparition dans la compétition date de la décennie d'avant (1986), époque où elle porte encore le nom de Coupe des clubs champions. A contrario des troupes de Fabio Cappello, habituées aux joutes coriaces de C1. La génération Maldini, Costacurta, Savicevic, Boban, Baresi est à son apogée, et les Rossonneri font figure de favori de la compétition avec l'Ajax Amsterdam suite à l'éviction des Catalans. Pas étonnant, avec ce cadre, que 46 500 spectateurs aient laissé aux guichets une recette record de 15 millions de francs pour soutenir la bande à Luis Fernandez, arrivé l'été précédent sur le banc parisien.
À lire aussiLigue des champions : Paris en demie à l'arrache
Attention à ne pas trop se crisper pour les Parisiens. Dès les toutes premières minutes de l’acte 1, Bernard Lama s’emmêle les pieds au moment de dégager et fait frissonner une bonne partie du stade. Mais loin de la jouer frileux, le PSG attaque, tente par l’intermédiaire de Paul Le Guen et David Ginola, mais se heurte à un Sebastiano Rossi aussi intraitable que son homologue Bernard Lama sur la ligne de but. Les deux cages sont cadenassées, et même quand Ginola croit trouver la clé des 25 mètres après avoir fait danser Panucci dans l’axe, c’est la barre transversale qui sauve les Milanais.
Le fantôme de Kostadinov
On est alors à la 84e minute, et le PSG vient de laisser passer sa chance. Sur un contre mené six minutes plus tard, Zvonimir Boban reçoit le ballon dans la gauche de la surface, et mystifie Lama du gauche tout en puissance, à mi-hauteur. Ginola, le Parc, un but dans les ultimes secondes, on croit alors le fantôme de Kostadinov, buteur un an et demi plus tôt ici pour priver les Bleus du Mondial 1994, revenu hanter toute une génération de supporters français. Les Parisiens, eux, maudissent surtout une décision discutable de l'arbitre, coupable selon eux de ne pas avoir accordé un penalty pour une faute du même Panucci, qui a retenu Ginola avec les pieds dans la surface milanaise.
Luis Fernandez, déjà projeté deux semaines plus tard à San Siro, balaye la comparaison bulgare. «C'est évidemment rageant de prendre un but à la dernière minute. Mais vous me connaissez ! Je suis un battant, on ira à Milan pour se qualifier. N'oublions pas que nous avons toujours marqué à l'extérieur. Boban n'est pas Kostadinov, la Bulgarie avait éliminé l'équipe de France. Boban, lui, n'a pas tué le PSG.»
Savicevic, le fossoyeur
Boban, non. C'est Savicevic qui s'en chargera tout seul, devant les 80 000 tifosis bouillant de San Siro. A domicile, l'équipe de Silvio Berlusconi est invaincue en coupe d'Europe depuis… 1986. Elle le restera après ce match, car les rossonneri (les mêmes qu'à l'aller excepté Costacurta, suspendu, remplacé par Tassotti) vont faire le boulot. Côté PSG, Fernandez tente bien quelques ajustements, en lançant d'entrée Patrick Colleter et en alignant Valdo, absent au Parc. Rien y fait. Marcel Desailly règne dans l'entrejeu et les folies de Marco Simone sur le front de l'attaque épuisent la défense parisienne.
Les coéquipiers d'Alain Roche peinent à garder la maîtrise du ballon, à l'image de George Weah, pourtant étincelant à l'aller. C'est d'ailleurs suite à l'une de ses pertes de balles que l'AC Milan ouvre la marque. Demetrio Albertini récupère et envoie le ballon dans la course de Dejan Savicevic. Ricardo Gomes est trop court pour intervenir sur le Monténégrin, qui ajuste Lama du gauche (21e). Bis repetita au retour des vestiaires : cette fois, c'est Desailly qui mange le milieu parisien avant de lancer Savicevic en profondeur dans l'axe pour le doublé. Une passe décisive à l'aller, un doublé au retour : Savicevic s'est mué en fossoyeur des espoirs parisiens, et envoie le Milan AC à Vienne, qui pliera de justesse contre l'Ajax (1-0).
Comme Marseille deux ans plus tôt, Paris rêvait de s’offrir un premier sacre européen. Mais les Milanais, victimes des Olympiens en 1993, ont profité du manque d’expérience à ce niveau des Parisiens, qui commencent tout juste à s’installer dans le paysage européen : entre 1993 et 1997, le club de la capitale se hisse cinq fois d’affilée en demi-finale d’une Coupe d’Europe. Avec mention spéciale en 1996, et une victoire finale en Coupe des coupes contre le Rapid de Vienne.
Ultime sévice infligé par l’AC Milan au PSG, à l’intersaison, il lui pique George Weah, l’homme fort de l’épopée parisienne (il est le meilleur buteur de la Ligue des champions 1995 avec 8 buts). Quelques mois plus tard, c’est avec le maillot milanais qu’il soulève le trophée du Ballon d’or.