Rien ne sert de décoller en premier, il faut partir à point. Après les Émirats Arabes Unis, le 19 juillet, puis la Chine, quatre jours plus tard, les Etats-Unis ferment la marche spatiale de l'été en envoyant leur propre fusée vers Mars, ce jeudi à 13h50 (heure de Paris) depuis la Floride. La mission «Mars 2020» va emmener sur la planète rouge le rover Perseverance et un petit drone, à la recherche de traces de vie, et préparera pour une future mission un retour d'échantillons de roche sur Terre.
20h15. Le vaisseau transportant le rover Perseverance connaît des difficultés techniques et opère actuellement en n'utilisant que ses fonctions essentielles, a déclaré la Nasa dans un communiqué, plusieurs heures après son lancement. «Les données indiquent que le vaisseau est entré dans un état connu sous le nom de mode sans échec, probablement car une partie du vaisseau était un peu plus froide qu'anticipé» lorsqu'il «se trouvait dans l'ombre de la Terre», a expliqué la Nasa. «A l'heure actuelle, la mission Mars 2020 réalise un bilan complet de l'état du vaisseau.» Matt Wallace, responsable adjoint de la mission, s'est toutefois voulu rassurant : «Tout ce que j'ai vu jusqu'ici semble correct, et nous en saurons plus rapidement», lorsque les équipes de la Nasa auront étudié les données télémétriques, a-t-il dit.
16h20. Perseverance s'en va, mais on reste en contact. Le réseau Deep Space Network de la Nasa est chargé des communications entre la Terre et les sondes spatiales interplanétaires, grâce à des antennes installées sur trois sites bien répartis sur le globe. Une station est à Madrid en Espagne, la deuxième près de Canberra en Australie et la troisième dans le désert des Mojaves en Californie. Ainsi, il y a toujours une antenne bien orientée pour dialoguer avec n'importe quelle sonde, à toute heure du jour et de la nuit.
Le Deep Space Network de la Nasa le 30 juillet 2020 (capture d’écran).
En ce moment, ce sont les antennes américaines et australiennes qui «écoutent» Mars 2020. La station américaine est d'ailleurs d'humeur très martienne, puisqu'elle converse en même temps avec Mars Reconnaissance Orbiter (MRO), l'orbiteur américain, et Hope (mission «EMM»), la sonde émiratie partie vers la planète rouge mi-juillet.
14h45. Presque une heure après le décollage, le deuxième étage de la fusée s'est rallumé durant huit minutes pour gagner encore de l'altitude et de la vitesse. La fusée vole à 8000 km de la Terre… Puis 20 000… 350 000 (soit l'altitude de la Lune)… Cette ultime poussée signe le vrai départ de Mars 2020. En dépassant la vitesse de libération, le vaisseau a échappé définitivement à l'attraction de la Terre. Il ne restait plus qu'à séparer la capsule contenant Perseverance, qui file désormais vers Mars en laissant le deuxième étage de la fusée derrière elle. Bon voyage ! Des applaudissements retentissent dans la salle de contrôle.
14h15. Un jour, on enverra des humains explorer Mars. Mais pour l'instant, rien n'est prêt, ou presque. Il faut apprendre à voyager six mois dans un vaisseau spatial, à faire atterrir un vaisseau de plusieurs tonnes, puis à vivre sur le sol d'une planète étrangère sans eau liquide ni oxygène dans l'atmosphère. Comment s'habilleront les premiers astronautes martiens ? Pour tester les matériaux en conditions réelles, Perseverance emporte plusieurs échantillons : du Teflon, utilisé dans les gants car il est résistant aux frottements, du Vectran, indéchirable, du polycarbonate pour les visières des casques, et un morceau d'«ortho-fabric» dont la Nasa recouvre ses combinaisons en couche extérieure. L'ortho-fabric regroupe «trois matériaux en un : du Nomex, résistant au feu, du Gore-Tex, imperméable mais respirant, et du Kevlar, comme dans les gilets pare-balles.» En combien de temps ces tissus se dégraderont dans l'air martien, très peu protégé des radiations solaires ?
13h55. Des caméras embarquées sur la fusée permettent de constater en direct que toutes les étapes du décollage se déroulent comme prévu. Les propulseurs d'appoint se détachent en premier du corps de la fusée après avoir brûlé tout leur carburant. Puis c'est le premier étage de l'Atlas V qui retombe sur Terre, laissant le deuxième étage s'élever dans l'espace, et la coiffe s'ouvre quand il n'y a plus besoin de protéger la charge utile (le rover) des frottements de l'air.
13h50. Décollage !
13h47. Trois minutes avant le lancement.
13h20. Contrairement à Curiosity, Perseverance ne part pas seul. L'astromobile emmène avec lui un hélicoptère miniature, baptisé Ingenuity, qui va tenter d'être le premier engin à voler sur une autre planète que la Terre. Le défi n'est pas mince car l'atmosphère martienne est très ténue – moins de 1% de la densité de l'atmosphère terrestre. Il faudra que le petit hélico de 1,8 kilo arrive à décoller sans trop pouvoir être porté par l'air. C'est comme voler à 30 000 mètres d'altitude sur Terre, soit sept fois plus haut qu'un hélicoptère classique, explique Bob Balaram, responsable de l'engin à la Nasa.
S'il arrive à voler 90 secondes et parcourir 300 mètres par vol, ce sera déjà un grand succès. On pourra commencer à imaginer et concevoir d'autres drones pour «fournir des images de reconnaissance haute définition pour les robots ou les humains, et accéder à des terrains difficilement carrossables», prévoit la Nasa.
Ingenuity a été rajouté sur le tard à la mission Mars 2020, et les ingénieurs ont dû se creuser la tête pour trouver une place à cette «charge utile très, très inhabituelle». Il sera finalement attaché sous le «ventre» du rover à son arrivée sur Mars.
Test de déploiement de l’hélicoptère sous le rover, en avril 2019. Images Lockheed Martin Space
13h. Le Soleil se lève sur la Floride, comme on peut voir sur les images retransmises en direct par la Nasa. Pour des commentaires de spécialistes en français, on peut aussi suivre le live du Cnes jusqu'au décollage.
12h30. Perseverance, c'est Curiosity en mieux. Le nouveau rover de la Nasa reprend le design de son prédécesseur arrivé sur Mars en août 2012. Mais ses six roues en aluminium sont plus grandes et plus solides, car celles de Curiosity s'étaient rapidement déchirées sur les rochers martiens acérés. Son grand bras articulé est également plus costaud, avec une «main» plus grande pour ramasser des échantillons des roches les plus intéressantes. Ces échantillons seront enfermés dans une vingtaine de tubes, que Perseverance laissera dans une «cache» en attendant qu'un autre robot vienne les chercher. La mission de rapatriement est déjà en préparation : la Nasa et l'ESA travaillent conjointement pour mettre au point la petite fusée qui devra re-décoller de Mars, la sonde qui fera le trajet retour vers la Terre, la capsule collectrice d'échantillons… La mission est prévue pour 2026 ou 2028.
«La philosophie de Perseverance est différente de celle de Curiosity, explique à Clubic Erwin Dehouck, chercheur au laboratoire de Géologie de Lyon. Là où ce dernier était conçu comme un laboratoire autonome, capable de réaliser sur place des analyses longues et complexes, Perseverance s'inscrit dans la perspective du retour d'échantillons : à la manière d'un géologue de terrain, sa priorité ne sera pas de résoudre immédiatement toutes les grandes questions que nous nous posons, mais plutôt d'identifier, de documenter et de prélever les meilleurs échantillons de roches pour pouvoir répondre à ces questions après des analyses plus approfondies sur Terre.»

Vue d'artiste d'une petite fusée décollant de Mars avec les échantillons de roche collectés par Perseverance. Image NASA. JPL-Caltech
11h50. Perseverance est équipé de sept instruments scientifiques principaux :
- - une station météo
- - une machine à fabriquer de l'oxygène à partir du dioxyde de carbone martien, pour préparer l'arrivée de l'Homme sur Mars
- - un spectromètre à rayons X pour analyser la composition des roches martiennes
- - un spectromètre ultraviolet pour détecter d'éventuels composés organiques
- - un radar pour sonder le sol, et peut-être détecter saumure et glace d'eau
- - un appareil photo stéréoscopique
- - une caméra complexe pour analyser les roches à distance grâce à deux rayons laser et des spectromètres intégrés. Cet instrument nommé SuperCam est français : c'est dans les locaux de l'IRAP (Institut de recherche en astrophysique et planétologie) à Toulouse qu'il a été conçu, tout comme son prédeccesseur, la caméra ChemCam qui équipe Curiosity.
Voilà pour le cœur de ce laboratoire ambulant… Mais le rover regorge aussi d'autres instruments non dédiés spécifiquement à la science. Au bout de son bras articulé, il y a une perceuse pour étudier les roches sous leur surface. Sous son ventre, la réserve des 43 tubes à échantillons avec un autre petit bras articulé pour les sortir et les ranger dans leurs caches (démonstration). Sur sa tête et son flanc, deux microphones enregistreront non seulement les sons de Mars (le vent, les tempêtes de sable) mais aussi les bruits du rover lui-même (la focalisation du laser sur les roches, les roues, l'atterrissage). «Le pop émis par le laser donne des informations sur la masse et la composition du rocher cible, explique la Nasa. L'intensité du son révèle la dureté relative des roches.» Selon le contexte géologique de la roche «écoutée», on pourrait comprendre par exemple si s'est formée dans un lac ou si elle a été transportée par le vent depuis une autre région, et à quelle pression elle s'est formée.
11h10. Avec un budget de 2,4 milliards de dollars, Mars 2020 est la mission spatiale américaine la plus ambitieuse et la plus chère de ces dernières années. C'est une mission dite «Flagship» (navire amiral), de celles à neuf zéros sur le chéquier, avec une priorité absolue et une prise de risques minimale. C'est qu'il a de sacrées responsabilités, le rover Perseverance : il devra non seulement retracer l'histoire géologique de Mars et déterminer si la planète a déjà été habitable, mais aussi déployer un drone, mettre quelques cailloux de côté pour les ramener sur Terre, tester des tissus et essayer de fabriquer de l'oxygène pour préparer les premiers pas de l'Homme sur Mars… Ce n'est pas tous les jours qu'on peut envoyer une tonne de matériel scientifique sur Mars : les objectifs secondaires et expériences bonus se sont donc greffées à la mission au cours de son développement, année après année.

Le rover Perseverance en salle blanche à Pasadena, en Californie, pour un test de conduite en décembre 2019. Photo NASA/JPL-Caltech
10h30. Tous les feux sont au vert pour l'instant, pour un décollage prévu à 13h50. Les météorologues indiquent «80% de chances d'avoir des conditions favorables à Cap Canaveral ce matin», rapporte United Launch Alliance (ULA), fabricant de la fusée Atlas V. La séquence finale pré-lancement peut donc suivre son cours. C'est l'heure de remplir de carburant (kérosène et oxygène liquide) les réservoirs de la fusée.
10h05. La date d'atterrissage est déjà programmée depuis belle lurette : après plus de six mois de voyage, Perseverance posera ses roues sur la planète rouge le 18 février 2021. Quant au lieu, il a été choisi pour son intérêt géologique. Le cratère Jezero était en effet rempli d'eau il y a 3,5 milliards d'années : c'était un lac martien de 250 mètres de profondeur, peut-être susceptible d'abriter quelques microscopiques bactéries aquatiques…
Aujourd’hui, on voit encore dans le cratère Jezero les canaux d’un delta, par où l’eau arrivait en déposant des sédiments au fond du lac. Les photos prises par la sonde Mars Reconnaissance Orbiter permettent de détecter la présence de minéraux argileux au sol. Ce delta est donc une mine d’or en puissance, car l’argile préserve très bien la matière organique.
9h30. C'est le grand jour, celui du décollage. La fusée est déjà prête, dressée sur son pas de tir au centre spatial de Cap Canaveral, où on est encore au beau milieu de la nuit. Sous la coiffe de l'Atlas V se cache le précieux chargement de la mission «Mars 2020», un astromobile de la taille d'une voiture conçu pour rouler des kilomètres sur la planète rouge. Un vrai laboratoire ambulant.