Des feux de camp sur le Soleil
Jamais on n’avait approché un appareil photo aussi près du Soleil… et jamais on n’avait vu autant de détails nouveaux, inconnus et passionnants. Jeudi dernier ont été dévoilés les premiers clichés de la sonde européenne Solar Orbiter, lancée en février de cette année pour étudier notre étoile.
La sonde, qui commence à peine sa mission, s'est approchée du Soleil à 77 millions de kilomètres, soit la moitié de la distance Terre-Soleil. C'est lors de ce premier périhélie (le point le plus proche du Soleil sur sa trajectoire) qu'elle a mitraillé la surface de l'étoile dans les longueurs d'onde ultraviolettes. Et les images grouillent de surprises ! «On ne s'attendait pas à avoir d'aussi bons résultats dès le début, raconte Daniel Müller, chef de projet scientifique de Solar Orbiter à l'ESA, l'agence spatiale européenne. Ce sont seulement les premières images et on voit déjà de nouveaux phénomènes intéressants.»
Au bout de la flèche, un «feu de camp» filmé par la caméra ultraviolette de Solar Orbiter. Pour échelle, le rond en bas à gauche montre la taille de la Terre.
«Quand on regarde à haute résolution, c'est dingue, on voit tout ce qui se passe là-dedans dans les moindres détails, renchérit dans le New York Times David Berghmans, responsable de l'un des instruments de la sonde. On n'arrivait pas à y croire quand on a découvert les images. Et on a commencé à inventer des noms délirants pour tout ce qu'on voyait : des feux de camp, des fibrilles sombres, des fantômes…»
Ces «feux de camp» sont le phénomène le plus marquant découvert dans ces photos du Soleil à haute résolution. Ce sont comme «des petits frères des éruptions solaires que l'on observe depuis la Terre, mais des millions ou des milliards de fois plus petits», compare Berghmans. Le Soleil est pourtant dans une phase très tranquille en cette mi-2020, ronronnant sans éclats entre deux cycles d'activité. Mais même quand «le Soleil semble calme au premier abord», les super-zooms de Solar Orbiter révèlent que «ces éruptions miniatures sont présentes partout».
Les «feux de camp» s’agitent en permanence à la surface du Soleil.
Sont-ils la clé du mystère de la couronne solaire ? On se demande depuis longtemps pourquoi la couronne, la partie externe de l'atmosphère solaire qui s'étend sur des millions de kilomètres, est si chaude (jusqu'à deux millions de degrés) alors que la surface du Soleil n'est qu'à 5 500°C. Quel phénomène chauffe si intensément l'atmosphère externe, de sorte que plus on s'éloigne du Soleil et plus on brûle ? Les feux de camp y sont peut-être pour quelque chose. «Insignifiants» quand on les prend séparément, ils sont innombrables et omniprésents, et leur activité cumulée pourrait peut-être en faire «la contribution principale au chauffage de la couronne solaire», suggère Frédéric Auchère, qui supervise la caméra ultraviolette de la sonde.
La première photo d’un autre système «solaire»
Deviner la présence d'exoplanètes grâce aux perturbations qu'elles causent dans la luminosité ou le mouvement de leur étoile, c'est une chose. Les apercevoir pour de vrai et les prendre en photo, c'est une autre paire de manches ! La faible lueur de ces planètes lointaines est noyée dans la lumière irradiant de leur étoile, si bien qu'il est très difficile de capturer leur présence en «imagerie directe», comme disent les astronomes.
Mais les télescopes récents font des progrès considérables. En 2004, on a photographié pour la première fois la planète 2M1207 b, en infrarouge. En 2008, on a immortalisé le premier système planétaire extrasolaire : deux petits points pour deux planètes autour de l'étoile HR8799.
L’étoile TYC 8998-760-1 et deux exoplanètes géantes, marquées d’une flèche, photographiées par le VLT.
Aujourd'hui, c'est une nouvelle prouesse technologique qui vient enrichir cette liste : le très grand télescope (VLT) européen au Chili a pris «la toute première photo d'une étoile jeune et semblable au Soleil accompagnée de deux exoplanètes géantes». En observant de l'extérieur une étoile ressemblant à la nôtre, on espère mieux comprendre l'évolution de notre propre système solaire.
A lireaussi
Le dernier épisode d'«Envoyé spatial» Vol au-dessus d'un nid de Martiens (et autres nouvelles du ciel)
La photo a été prise avec un coronographe, un dispositif permettant de masquer la lumière de l'étoile au centre de la photo pour mieux voir les objets faiblement lumineux qui l'entourent. Sur l'image, on repère les deux grosses planètes en bas à droite de la photo. Elles orbitent respectivement à 160 fois et 320 fois la distance Terre-Soleil – bien plus éloignées qu'une Jupiter ou une Saturne chez nous, et également plus massives (6 et 14 fois la masse de Jupiter). Les autres points lumineux de l'image sont des artefacts optiques.
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