Entre deux morceaux de reggaeton et de hip-hop, il est 22 heures quand la Marseillaise retentit sur l’antenne de Fun Radio. Karel, l’un des trois animateurs de Lovin’Fun, annonce solennellement : «Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, nous recevons le porte-parole du gouvernement.» Pas banal pour la mythique libre antenne de la station : dans le studio rose et bleu, Gabriel Attal est bien là, en chemise blanche, installé là où se pressent d’ordinaire DJ ou derniers chanteurs à la mode. Douze heures plus tôt, mercredi après-midi, en costard, le benjamin du gouvernement débriefait les Conseils de défense et des ministres de la matinée devant la presse dans l’un des salons de l’Elysée. Grand écart.
Couac retentissant
«Ce soir, nous donnons la parole aux auditeurs pour qu'ils puissent poser toutes les questions qu'ils souhaitent et nous les mettons en lien direct avec ceux qui nous dirigent», poursuit l'animateur. Ce soir, il n'est donc pas vraiment question de parler d'amour ou de sexe comme d'habitude mais bien de la crise sanitaire liée au coronavirus. «Mon rôle est d'expliquer ce que fait le gouvernement. Je dois donc aller partout où des Français peuvent se poser des questions et en l'occurrence, beaucoup de monde écoute Fun Radio et notamment beaucoup de jeunes», explique d'emblée le «jeune Gabriel», formule choisie par le Premier ministre au moment du remaniement. La session de mercredi soir a aussi des airs de rattrapage médiatique : mardi, il a provoqué un couac retentissant au sein de l'exécutif en annonçant avant l'heure la mise en place d'un couvre-feu à Paris.
Au cœur de l'échange avec les auditeurs, le confinement évidemment. Bien plus souple qu'au printemps, il soulève son lot de questions sur l'école, la fermeture des petits commerces, le monde de la nuit. Les contradictions affleurent au téléphone. «Pourquoi ce second confinement nous semble beaucoup moins strict, beaucoup moins respecté alors que dans le même temps, on nous dit que cette seconde vague sera plus violente que la première», s'interroge Maxime. «En mars, on ne savait rien du virus, répond Attal. La réaction était alors de dire "on ferme tout". Maintenant, on a des études qui montrent que le masque protège, ce qui permet de mettre en place un confinement tout en maintenant certaines activités économiques et en ne fermant pas les écoles.» Il continue sur sa lancée, battant en brèche l'idée de restrictions qui ne serviraient à rien : «Beaucoup de monde dit que ce confinement n'est pas respecté mais on observe une vraie baisse d'activité, notamment dans le métro ou les RER à Paris où l'on a des baisses de fréquentation qui peuvent atteindre 80 % à certaines heures.» Pas de chance, quelques minutes plus tard, sur cinq courts témoignages d'auditeurs, quatre avouent l'avoir déjà enfreint depuis son entrée en vigueur.
Les jeunes, «premières victimes» du confinement ?
S’adresser à la jeunesse, le porte-parole s’y emploie depuis son entrée au gouvernement en 2018, passant par les réseaux sociaux et notamment Instagram où il s’adonne régulièrement à des séances de questions-réponses avec le public. Fin octobre, le secrétaire d’Etat annonçait également son arrivée sur Twitch, la célèbre plateforme de streaming pour un rendez-vous mensuel de débat entouré d’influenceurs depuis l’Elysée. La première édition, prévue avec Enjoy Phoenix, Paola Locatelli et Just Riadh (près de 10 millions d’abonnés à eux trois sur Instagram) a toutefois dû être annulée. Elle était prévue le jour de l’annonce du nouveau confinement, cela aurait créé trop d’interférences avec le discours présidentiel. Mais l’idée n’est pas mise de côté, juste reportée. En attendant, c’est sur son réseau fétiche, Instagram, que le secrétaire d’Etat compte s’appuyer sur les influenceurs, très populaires chez les jeunes, avec un rendez-vous hebdomadaire chaque dimanche soir.
Pour l’entourage de Gabriel Attal, «il est vraiment impératif, en pleine crise sanitaire, de s’adresser aux jeunes qui en seront les premières victimes. D’autant que nous avons parfois pu avoir un discours infantilisant à leur égard, ils ont pu se sentir comme des sortes de boucs émissaires». Pour l’ancien secrétaire d’Etat à la Jeunesse, l’objectif est de faire passer deux grands messages. Et d’une, contrairement à une idée reçue, le Covid-19 n’est pas une maladie qui touche uniquement les personnes âgées, insiste-t-il sur Fun Radio : «Il y a des jeunes qui font des formes graves.» Et de deux, un peu plus réjouissant : plus le confinement sera respecté, plus le retour à une vie «presque normale» sera rapide. Face au micro, il est aussi question de musique, d’interdiction des concerts, de fermetures des boîtes de nuit. A seulement 31 ans, le porte-parole se fait piéger sur ses connaissances en musiques actuelles: «Tout ce qui est Bob Sinclar ou David Guetta ça reste encore un repère, mais c’est vrai que sinon j’ai un peu perdu la main.»