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Éditorial

Destin

publié le 1er février 2021 à 20h01

C'est une véritable guerre psychologique et médiatique que mène désormais Alexeï Navalny contre celui qui s'est arrogé, à vie, les pleins pouvoirs sur la Russie. Et son procès, qui s'ouvre ce mardi, n'y changera rien. Il faut voir son film sur la fortune et les rêves de grandeur insensés de Vladimir Poutine pour comprendre l'ampleur de la détermination et des réseaux de cet opposant numéro 1 au président russe. Bien sûr, l'homme n'est pas exempt de critiques, son nationalisme peut faire peur même s'il se considère comme un «nationaliste civique», mais sa lutte pied à pied contre la corruption et le népotisme du pouvoir russe force l'admiration. On ne peut s'empêcher, à le regarder braver les forces de sécurité, regagnant son pays après une tentative d'assassinat en sachant qu'il serait jeté en prison, voire menacé de mort à nouveau, de se poser cette éternelle question : en ferions-nous autant si nous avions subi ce qu'il a subi et si notre existence était suspendue au bon vouloir de Poutine ?

C’est là que réside la force, peut-être même la puissance, de Navalny. Il ne se pose plus de questions, il fonce, quoi qu’il lui en coûte. Son destin ne compte pas face à celui de la Russie, où l’on continue à mourir de froid et de faim tandis qu’une minorité se repaît de dorures et de fourrures. Alexeï Navalny avait 13 ans à la chute du mur de Berlin, il a vu sa génération se jeter à corps perdu dans le business au mépris de bien des règles, et surtout du peuple russe. Lui a choisi de mettre sa pratique du droit et son charisme au service de son éthique. Convainquant une foule croissante que Poutine n’était pas une fatalité. Un exemple que l’Europe ferait bien d’étudier alors qu’en Russie, la répression s’accentue. Si un homme seul peut tenir tête au maître du Kremlin, alors l’Union européenne devrait pouvoir trouver le moyen de le faire vaciller.