«Il n'y a pas que le Corona qui tue». Ce slogan des manifestants de Tripoli veut désigner la maladie bien plus meurtrière qui les frappe : la pauvreté. L'accès de colère et de violences qui embrase depuis plusieurs jours la deuxième ville du Liban s'apparente clairement à des émeutes de la faim. En témoigne la scène bouleversante, vue dans un reportage de la télévision libanaise, d'un père qui remet sa fille de 2 ans entre les mains d'un soldat en lui disant : «Je ne peux plus lui assurer ni lait ni nourriture, alors prenez-la.» C'était vendredi, au milieu des affrontements entre manifestants et forces de l'ordre, dans le centre de la ville avant que le Sérail, le bâtiment public central, ne soit incendié par les émeutiers.
Effondrement économique
Si la dernière vague de protestation a été déclenchée par le confinement strict imposé depuis le 14 janvier par les autorités libanaises pour raison sanitaire, la ville de près d’un million d’habitants souffrait déjà d’une accumulation de misères. Négligée depuis des décennies par le pouvoir central à Beyrouth, Tripoli comptait déjà la plus grande proportion de pauvres au Liban depuis 2018 selon la Banque mondiale, soit avant l’effondrement économique général du pays. Jusqu’à 90% des habitants de la capitale du nord Liban travaillent dans le secteur informel, souvent comme journaliers, et sont encore plus touchés par l’interdiction de toute activité, y compris la vente à l’étalage de fruits et légumes ou autres produits alimentaires.