Le froid, la neige, et la violence. Deux vidéos filmées par des caméras piéton, dans l'Etat de New York, montrent une enfant de 9 ans violemment enfermée à l'arrière d'une voiture par plusieurs officiers, selon le quotidien local Democrat and Chronicle. D'abord menottée, elle reçoit du gaz poivré dans le visage lors d'une intervention menée par pas moins de neuf agents. Ce n'est pas la première fois que le département de police de la ville de Rochester est mis en cause pour des faits de violences. Le 20 mars 2020, Daniel Prude, un homme Noir de 41 ans, nu et en état de délire psychotique, est décédé à l'issue de son interpellation sept jours plus tôt durant laquelle les policiers l'avaient encapuchonné d'un sac. Les faits avaient été volontairement camouflés faisant croire que sa mort était liée à une overdose alors que l'institut médico-légal avait conclu qu'il s'agissait d'un homicide lié à une «asphyxie consécutive à une contrainte physique». C'est seulement à l'issue d'une bataille militante que la vidéo de l'arrestation avait été rendue publique. Cette fois-ci, la police de Rochester a rendu publiques les vidéos, dimanche, lors d'une conférence de presse, quatre jours après les faits.
Menottes et gaz poivre
La scène se déroule donc mercredi 29 janvier, entre 15h40 et 15h54. Quatorze minutes, entre l'arrivée d'un premier officier sur place et la fermeture de la porte de la voiture de police sur la fillette. Neuf officiers de police participent à cette intervention, en réponse comme ils l'expliqueront à un appel pour «trouble familial». «Elle a déclaré qu'elle voulait se suicider et tuer sa mère», détaille Andre Anderson, le chef adjoint de la police, présent à la conférence de presse.
Dans une première vidéo, on voit l'enfant fuir à l'arrivée du policier qui cherche à lui porter assistance. Puis, à plusieurs, ils tentent d'embarquer la jeune fille - dont l'identité n'a pas été révélée - pour l'emmener à l'hôpital, disent-ils. Alors qu'éclate une dispute avec sa mère qui se trouve à proximité, les policiers tentent de faire monter l'enfant dans une voiture. Mais cette dernière résiste, criant à de multiples reprises «je veux mon père» («I want my dad»). Après une chute dans la neige, qui recouvre le sol de la ville, les policiers menottent l'enfant puis parviennent à faire entrer son corps dans l'une des voitures mais l'enfant garde ses jambes à l'extérieur.
«Je vais trouver ton père, je te promets», répète alors une policière à plusieurs reprises. Puis, elle menace : «c'est ta dernière chance, sinon j'utilise une bombe de gaz». Quelques secondes plus tard, les yeux de la fillette de 9 ans sont aspergés de gaz poivre. La porte de la voiture claque sur ses cris. «Incroyable», souffle le policier qui porte la caméra.
«C'est très difficile de faire entrer quelqu'un dans une voiture de police», s'est défendu, le président du Rochester Police Locust Club, Mike Mazzeo. De son côté, la nouvelle cheffe de la police locale, Cynthia Herriott-Sullivan, a reconnu que la police avait agi de manière excessive. «Je ne vais pas vous dire que pour un enfant de 9 ans, il est normal de se faire asperger de gaz au poivre, a-t-elle déclaré dimanche. Cela ne l'est pas.» De son côté, la maire Lovely Warren condamne le manque d'empathie des policiers : «J'ai un enfant de dix ans, c'est un enfant, c'est un bébé. En tant que mère, cette vidéo, ce n'est pas quelque chose qu'on veut voir», a-t-elle abondé dimanche.
Problèmes structurels
La démission du précédent chef de la police après l'éclatement de l'affaire Daniel Prude n'a donc pas suffi à mettre un terme à ces violences envers des personnes en état de détresse psychologique. «C'est facile pour les responsables de dénoncer le comportement de ces policiers, explique Charlotte Recoquillon, chercheuse à l'Institut Français de Géopolitique (IFG), mais ce ne sont pas juste des individus isolés et violents: ils ont bien été recrutés. C'est toute une chaîne d'organisation qui pose problème.»
Ce type de violences n'a rien d'inédit. «Près d'un quart des personnes tuées par la police aux Etats-Unis souffraient de problèmes mentaux», rappelle Charlotte Recoquillon. S'il est indéniable que les chefs de la police de Rochester ont progressé en matière de transparence après l'homicide de Daniel Prude, sur le fond, rien n'est réglé. «La police aux Etats-Unis a des problèmes structurels en termes de formation de ses personnels, parfois effrayés et qui réagissent mal, et qui manquent d'empathie dans le cadre de leurs interactions», poursuit la chercheuse : lors de cette intervention, six voitures de polices étaient présentes. Mais pas une ambulance. Ni aucun représentant des services sociaux.