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Droits des femmes

Avortement : qu'est-ce que la «règle du bâillon mondial» révoquée par Biden ?

A la veille de la mobilisation annuelle des anti-IVG, le nouveau président des Etats-Unis a fait des premiers pas symboliques en faveur du droit à l'avortement.
Le président américain Joe Biden a révoqué jeudi la «règle de Mexico city» très décriée sur le droit à l'avortement. (Photo Mandel Ngan. AFP)
publié le 29 janvier 2021 à 13h02

Cette mesure était très attendue. A peine plus d'une semaine après son investiture, le président des Etats-Unis, Joe Biden, a fait, jeudi, des premiers pas importants en faveur du droit à l'avortement en révoquant notamment la «règle de Mexico city» très décriée. Aussi nommée «Global gag rule», soit «règle du bâillon mondial», elle interdisait à toutes les ONG internationales qui recevaient un financement américain de fournir un accès à l'avortement aux femmes le désirant ou même seulement de leur donner des informations à ce sujet. Cette politique était valable dans tous les pays où ces organisations agissent et les empêchaient aussi de plaider pour un assouplissement des lois sur l'avortement. Cette révocation est intervenue à la veille de la mobilisation annuelle (cette année virtuelle) des opposants à l'IVG, prévue ce vendredi. L'an dernier, Donald Trump avait été le premier président américain à y participer.

Instaurée par l'administration républicaine de Ronald Reagan en 1984, cette règle fait l'objet d'un ping-pong politique entre démocrates et républicains, symbole d'une société toujours très divisée sur ce droit acquis en 1973. Bill Clinton et Barack Obama, présidents démocrates, l'avaient annulée en «affirmant qu'elle met en danger des millions de femmes et de filles en leur coupant l'accès aux services de santé essentiels», rappelle le Washington Post. Les deux chefs de l'Etat républicains, George W. Bush et Donald Trump, l'avaient remis en place, «arguant que les fonds américains ne devraient pas aller à des organisations qui promeuvent l'avortement».

«Soutenir la santé des femmes»

L'administration Trump était allée plus loin en élargissant ces restrictions à toute l'aide sanitaire mondiale financée par le gouvernement américain, plutôt que simplement aux ONG impliquées dans la planification familiale, souligne le quotidien américain. «Ces conditions excessives de l'aide étrangère et de l'aide au développement sapent les efforts des Etats-Unis pour faire progresser l'égalité des sexes dans le monde en limitant notre capacité à soutenir la santé des femmes et les programmes qui préviennent et répondent à la violence sexiste», a déclaré Biden dans un mémorandum à son cabinet, relate le Washington Post.

Cette politique a, selon un rapport gouvernemental, eu un impact sur 1 300 projets internationaux en 2018 et forcé, cette année-là, les ONG à renoncer à plus de 150 millions de dollars ou à leurs activités en matière d'IVG. Un rapport publié en juillet dans la revue médicale britannique The Lancet a également révélé que ces restrictions américaines réduisaient l'accès aux soins de santé sexuelle et reproductive tout en entraînant une augmentation des avortements à risque. Amnesty International avait alerté dès 2017 sur les conséquences larges de cette règle étendue par Trump impliquant «des coupes importantes dans le financement des programmes de planning familial, de traitement du VIH/sida, de la contraception d'urgence et d'autres services de santé en matière de procréation, outre celles concernant les services permettant d'accéder à l'avortement et à des informations sur l'IVG, en particulier en Afrique et en Amérique latine».

«Leurs droits comptent»

Les associations, comme Médecins sans frontières, saluent le détricotage «de cette politique dangereuse» mais restent vigilantes. Il «reste encore beaucoup à faire pour atténuer les dommages dont nous avons été témoins», prévient MSF. L'ONG rappelle que «des millions de femmes n'ont toujours pas accès à des soins d'avortement sans risque en raison de lois restrictives, des coûts, de la stigmatisation, du manque de prestataires formés ou d'autres obstacles inutiles, tels que des périodes d'attente obligatoires ou des informations trompeuses».

Dans une dynamique conjointe, Joe Biden a aussi ordonné la reprise des financements américains au Fonds des Nations unies pour la population, qui agit notamment dans le domaine de la planification familiale. Là encore, chaque administration républicaine depuis Ronald Reagan lui avait coupé les fonds. Le chef de la diplomatie Antony Blinken a immédiatement annoncé le déblocage de 32,5 millions de dollars. Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a salué deux décisions qui «rappellent avec force aux femmes et aux filles dans le monde, que leurs droits comptent», note l'AFP. Selon le Washington Post, Biden a également ordonné aux départements d'Etat et de la Santé de se retirer du dit «Consensus de Genève». Dans ce document, signé en octobre, 34 pays dont les Etats-Unis s'étaient ligués contre le droit à l'avortement en affirment leur volonté d'une souveraineté nationale pour les lois liées à l'IVG.