«Les femmes, ils leur arrachent les ongles et leur retirent les sourcils. Ils les filment aussi quand ils les violent, en insistant sur leur visage. C'est ce que les Houthis nous ont fait quand on a commencé à prendre part aux manifestations.» Bardis Assayaghi, célèbre poétesse de Sanaa, a fui son pays il y a quelques mois. Comme des millions de ses concitoyens, la femme de 35 ans a été engloutie par une ombre qui aujourd'hui recouvre la moitié nord du Yémen.
Fin 2014, trois ans après le printemps arabe, les membres du mouvement militaire, politique et théologique houthi, venus des montagnes, envahissent la capitale, Sanaa. Profitant d’une conjoncture économique catastrophique et de la faiblesse d’un gouvernement divisé et corrompu, ils ne rencontrent qu’une faible résistance. L’unité de l’armée nationale vole en éclats. Les militaires fidèles à l’ancien président Ali Abdallah Saleh, écarté du pouvoir en 2012, ont rejoint les Houthis, leur donnant l’avantage.
Noura al-Jarwi, 39 ans, ex-présidente du Comité des sports des femmes, se souvient : «C'était calme quand ils sont arrivés à Sanaa. Il y avait un mélange de joie et de peur. On avait vécu pendant presque quatre ans sous le règne des Frères musulmans [Al-Islah, sa branche yéménite, était influente sous le gouvernement Hadi qui a succédé à Saleh, ndlr] et cela avait été terrible. Il y avait des attentats tout le temps. Les Houthis nous promettaient des changements et de la sécurité.»
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