Des failles du service de renseignement et un programme de déradicalisation qui a échoué à repérer la dangerosité de l'assaillant : le gouvernement autrichien a admis des erreurs ce mercredi, deux jours après l'attentat islamiste meurtrier qui a endeuillé Vienne.
Kujtim F., le jeune homme de 20 ans qui a ouvert le feu lundi soir en plein centre-ville, tuant quatre personnes et faisant plusieurs blessés, avait apparemment commencé à fomenter son projet dès l’été. Sympathisant du groupe jihadiste Etat islamique, qui a revendiqué l’attentat, il avait tenté de se procurer des munitions en Slovaquie. Les services secrets de ce pays voisin de l’Autriche avaient alors alerté leurs homologues à Vienne, a expliqué mercredi le ministre de l’Intérieur, Karl Nehammer.
«Il y a manifestement eu par la suite un problème au niveau de la communication», a-t-il déploré, avant d'accuser son prédécesseur d'extrême droite, Herbert Kickl, «d'avoir causé des dommages durables, pour ne pas dire détruit» le BVT (bureau pour la protection de la Constitution et la lutte contre le terrorisme).
Déjà connu des autorités
Autre question qui se pose : comment Kujtim F., «soldat du califat», a-t-il pu échapper au suivi des autorités judiciaires, dont il était connu ? Cet Autrichien, dont les parents sont originaires de Macédoine du Nord, avait été condamné à de la prison en avril 2019 pour avoir tenté de rejoindre les rangs des combattants jihadistes en Syrie mais il avait été relâché en décembre avant d'avoir fini sa peine. Intégré dans un programme de «déradicalisation», Kujtim F. avait réussi à «tromper» les personnes chargées de son suivi, a regretté le ministre de l'Intérieur.
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Ce «terrible drame aurait pu avoir lieu même si l'attaquant avait purgé la totalité de sa peine, jusqu'en juillet 2020», a toutefois fait remarquer l'association DERAD chargée de ce programme. L'agresseur «n'a à aucun moment été présenté comme déradicalisé», a-t-elle souligné dans un communiqué, tout en disant ne pas posséder les moyens de surveillance dont est équipé le renseignement autrichien. «Je le décrirais comme une âme perdue, qui cherchait sa place» dans la société, a réagi auprès de l'AFP son avocat Nikolaus Rast, qui l'avait défendu lors de son procès en avril 2019. «Personne ne l'aurait cru capable d'un tel acte.»
Déterminer d’éventuelles complicités
Les enquêteurs, qui ont saisi «une grande quantité de matériel» au cours de perquisitions, cherchent par ailleurs à déterminer d'éventuelles complicités. Ce mercredi, ils interrogeaient toujours 14 personnes, âgées de 18 à 28 ans, «issues de l'immigration et certaines n'étant pas des citoyens autrichiens», selon le ministre. D'après la police, «il est possible qu'elles aient apporté un soutien» à l'assaillant mais leur rôle exact reste encore flou.
Par ailleurs, le parquet fédéral suisse a confirmé que l'auteur de l'attaque de Vienne et les deux hommes arrêtés en Suisse «se connaissaient». Les autorités helvétiques travaillent actuellement en étroite collaboration avec les autorités autrichiennes pour clarifier les liens entre les trois hommes. Les deux Suisses de 18 et 24 ans étaient connus des autorités suisses dans le cadre de procédures pénales liées au terrorisme. Celles-ci ont été engagées par le ministère public de la Confédération (MPC) en 2018 et 2019 et «sont actuellement toujours en cours», a-t-il indiqué, précisant que le plus âgé est accusé dans l'une de ces procédures. Quant au plus jeune, «il est accusé dans le cadre d'une procédure pénale du tribunal des mineurs de Winterthur», a précisé le parquet. L'enquête pénale qui le visait avant l'attentat de Vienne portait notamment sur des soupçons de violation de l'article 2 de la loi fédérale sur l'interdiction des groupes Al-Qaeda et Etat islamique et des organisations qui leur sont associées.
L'analyse des vidéos, transmises à la police par les nombreux témoins de l'attentat, «a conforté la théorie d'un auteur unique», a souligné le ministre de l'Intérieur.
Visite de Macron
Dans une interview à la presse allemande, le chancelier Sebastian Kurz a appelé l'Union européenne à mieux lutter contre l'«islam politique», une «idéologie» qui représente un «danger» pour le «modèle de vie européen». Dans cette optique, il a dit réfléchir à des «initiatives communes» avec Emmanuel Macron, attendu lundi à Vienne pour une visite.