Bouton Lire dans l'app Lire dans l'app
Reportage

En Floride, Trump parie sur «la peur du communisme» des Hispaniques

par
publié le 1er novembre 2020 à 19h41

Impossible d'y échapper. Passer quelques jours à Miami en cette fin de campagne présidentielle, c'est la garantie d'être submergé de publicités politiques - en anglais ou en espagnol, à la télévision, la radio, sur Facebook, Instagram ou YouTube. Dans ce flot ininterrompu, un thème en particulier revient dans la quasi-totalité des spots républicains : la menace «socialiste» que ferait peser sur les Etats-Unis le «castro-chaviste» Joe Biden, régulièrement qualifié par le président sortant de «cheval de Troie de la gauche radicale».

L’angle d’attaque du péril rouge n’est pas nouveau. En 2018, le Parti républicain l’a expérimenté avec succès contre les candidats démocrates aux postes de sénateur et gouverneur de Floride, Bill Nelson et Andrew Gillum. Tous deux ont été battus par moins d’un demi-point d’écart, plombés notamment par un score désastreux au sein de la vaste communauté cubaine du comté de Miami-Dade, traditionnellement conservatrice.

Forte de cette expérience, la galaxie Trump a durci la rhétorique cette année, surfant sur le virage à gauche du Parti démocrate sous l'influence, notamment, du sénateur Bernie Sanders et de la députée Alexandria Ocasio-Cortez, qui revendiquent fièrement leur appartenance au «socialisme démocratique». Peu importe que les politiques qu'ils défendent (salaire décent, santé et éducation publique pour tous) tiennent davantage de la social-démocratie européenne que de la dictature cubaine : la campagne de Trump ne verse pas dans la nuance.

«Même si Joe Biden a remporté la primaire démocrate, son image ici en est sortie abîmée par les socialistes démocratiques, analyse Eduardo Gamarra, professeur à l'Université internationale de Floride et spécialiste du vote hispanique. Cette étiquette socialiste collée sur Biden est un mensonge, mais cela fonctionne, surtout auprès des Vénézuéliens, Nicaraguayens, Colombiens et Cubains. La plupart des gens votent par peur ou par espoir. Et dans cette communauté, la peur du communisme est quelque chose que les républicains savent parfaitement utiliser.»

«Les Etats-Unis m'ont ouvert les bras il y a quarante ans. Et aujourd'hui, ce pays est en danger à cause de la gauche qui veut l'entraîner vers le socialisme. Je ne peux pas permettre que ce pays devienne comme Cuba», martèle ainsi Rosa Peña, 79 ans. Depuis plus d'une décennie, cette exilée au regard bleu perçant manifeste tous les samedis à Tropical Park, dans l'ouest de Miami. A l'origine, elle dénonçait la politique d'ouverture de Barack Obama avec La Havane. Désormais, elle chante les louanges de Donald Trump, qui l'a annulée. Casquette «Non au socialisme» vissée sur la tête, elle en est persuadée : «Trump est la meilleure chose qui soit arrivée à ce pays. Il n'a peur de personne. C'est un homme qui en a dans le pantalon.»

Ce mythe de l’homme fort est sciemment entretenu par le milliardaire et ses proches, qui vantent son énergie débordante et moquent, tel un miroir inversé, la sénilité supposée de Joe Biden.

Croisée à la sortie d'un restaurant qui vend aussi des produits colombiens, au sud de l'aéroport international de la ville, Isabel Rosales, 64 ans, régurgite les propos du Président. «Biden n'est pas lucide mentalement. C'est une marionnette de la gauche. Il ne tiendra pas quatre mois à la Maison Blanche. Et Kamala Harris, elle, est une vraie communiste. Elle attend son tour dans l'ombre», lâche-t-elle.

Dans l'Etat, les premiers chiffres, préoccupent le camp Biden. Alors que le vote anticipé bat des records en Floride (près de 8,3 millions de votants, soit plus de 86 % du total de 2016), la mobilisation démocrate est inférieure à celle des républicains dans le comté de Miami-Dade, le plus peuplé de l'Etat. «Les démocrates ont deux raisons d'être inquiets : la mobilisation des Hispaniques non cubains, plutôt démocrates, semble en retard, et certains d'entre eux rallient Trump, note Eduardo Gamarra. Si Trump parvient à grappiller 5 % ou 10 % dans la communauté vénézuélienne ou colombienne, il peut changer l'équation en Floride.» Et avec elle, l'issue de l'election de mardi.