«Level 1», niveau 1. Mercredi soir, le Président, Cyril Ramaphosa, a annoncé l’amorce de la dernière étape du déconfinement en Afrique du Sud. Cela signifie, notamment, que les rassemblements sociaux seront autorisés, les frontières ouvertes, et que les vols commerciaux internationaux pourront reprendre. Un retour à la quasi normale, sous conditions.
Le temps où les Sud-Africains étaient suspendus aux lèvres masquées du chef de l’Etat est donc révolu. Le confinement strict imposé fin mars et les mesures draconiennes prises pour lutter contre la pandémie de Covid-19 ont sans doute sauvé des vies. Ils ont aussi laissé une économie à terre. Et un pays dépité, au bord de la nausée. Confiance, peur, espoir, frustration, déni… L’Afrique du Sud est passée par une multitude de sentiments, ces derniers mois. Mais c’est le dégoût qui a pris le dessus. Ceux qui espéraient avoir laissé derrière eux l’ère de l’ancien président, Jacob Zuma, de la «capture de l’Etat» par des politiciens pillards et leurs alliés, en sont pour leurs frais.
Les vautours étaient toujours aux aguets, et les sommes affectées à la lutte contre la pandémie ont réveillé leur appétit. Fonds et aides détournés, contrats louches, fraudes, surfacturations… Plusieurs centaines de cas, depuis les provinces rurales jusqu’à l’entourage du Président, font l’objet d’une enquête. Un néologisme est apparu : «Covid-preneurs», les entrepreneurs du Covid. Pendant que certains s’enrichissaient sur une crise sanitaire, le personnel soignant des hôpitaux publics sous-équipés manifestait pour dénoncer le manque de gants et de blouses. Les queues s’allongeaient devant les distributions de colis alimentaires, et des centaines de milliers d’emplois ont été perdus.
Selon la presse sud-africaine, le pays est confronté à l’un des plus grands scandales de corruption depuis la fin de l’apartheid. Fin août, Cyril Ramaphosa a adressé une lettre ouverte à tous les militants de son parti, le Congrès national africain (ANC) : «Certains d’entre nous ont clairement oublié leur serment […]. Tenter de profiter d’une catastrophe qui coûte la vie, chaque jour, à notre peuple, c’est un comportement de charognards. C’est comme une meute de hyènes encerclant une proie blessée», écrit le chef de l’Etat écœuré, comme sa nation, tant par l’ampleur du désastre, que par sa propre incapacité à y mettre fin.