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Pandémie

Israël, premier Etat à reconfiner intégralement face au Covid

Benyamin Nétanyahou a annoncé le retour à un confinement strict à partir de vendredi, jour du nouvel an juif, et durant les trois semaines à venir. Un échec pour le Premier ministre, qui préfère mettre l'accent sur ses succès diplomatiques.
A un point de contrôle de la police des frontières israélienne à Jérusalem, dans le cadre des mesures mises en place par les autorités pour tenter d'arrêter la propagation du Covid-19, le 8 septembre. (MENAHEM KAHANA/Photo Menahem Kahana. AFP)
publié le 14 septembre 2020 à 10h44
(mis à jour le 14 septembre 2020 à 12h44)

Toujours en pointe, la «start-up nation» autoproclamée montre la voie et le futur, y compris dans la mauvaise direction. Dimanche soir, Israël est devenu la première nation au monde à annoncer un reconfinement strict de l'ensemble de sa population. Impensable il y a seulement quelques jours, ces mesures drastiques, qui vont cantonner les Israéliens dans un périmètre de 500 mètres autour de leur domicile, devraient entrer en vigueur vendredi à l'occasion du nouvel an juif. Et en principe se poursuivre pour trois semaines, avec possibilité d'une rallonge. Une estimation très optimiste selon plusieurs analystes, qui notent que les services de Tsahal, désormais chargés du traçage, ne seront opérationnels qu'en novembre…

C'est un aveu d'échec cuisant pour le Premier ministre Benyamin Nétanyahou, pourtant à la tête depuis mai d'un «gouvernement d'urgence nationale» censé mettre de côté les divisions partisanes pour combattre la pandémie. Dans les faits, accaparé par ses grandes manœuvres (de l'annexion avortée de la Cisjordanie à la normalisation avec les pétromonarchies) et son agenda judiciaire, Nétanyahou a bazardé cette feuille de route à peine signée. Avec pour conséquence un des taux de contamination par habitant les plus hauts du monde (plus de 3 000 nouveaux cas par jour pour une population de moins de 9 millions d'habitants), dessinant des courbes exponentielles à donner le vertige dans un pays jusqu'ici plutôt épargné, avec «seulement» 1 119 décès liés au Covid. Des statistiques presque flatteuses, largement liées à l'enclavement du pays et à la jeunesse de la population, comparée aux Etats occidentaux plus durement touchés.

Sourire

Pourtant, lors de l'allocution annonçant la sinistre nouvelle dimanche soir, le leader nationaliste n'avait pas l'air plus contrarié que ça, esquissant même un sourire au moment de quitter l'estrade. Lunaire. C'est que celui qu'on surnomme «Bibi» avait un avion à prendre fissa, avec femme et enfants, direction Washington, où il doit signer mardi à la Maison Blanche un accord normalisant les relations de l'Etat hébreu avec les Emirats arabes unis et Bahreïn.

«Je pars en votre nom […] pour une mission historique», a-t-il souligné, comme pour jurer qu'il ne s'agissait pas d'une excursion en famille au moment d'enfermer le reste du pays à double tour. Jamais avare d'une maladresse quand il s'agit de marquer sa déconnexion quasi monarchique, Nétanyahou entendait même voler dans un jet privé pour éviter de contracter le coronavirus en frayant avec le menu fretin des diplomates et des journalistes, avant qu'une série d'éditoriaux furibards et unanimes dans la presse ne le contraignent à rétropédaler.

Aux abords de l'aéroport Ben Gourion, un convoi automobile de manifestants a vainement tenté de bloquer le passage de la noria du Premier ministre. Depuis le début de l'été, des milliers d'Israéliens protestent chaque semaine sous les fenêtres de sa résidence à Jérusalem, fustigeant sa gestion dilettante du coronavirus et ses affaires de corruption. Parmi ces opposants obstinés, ils sont nombreux à croire que le confinement est une manière radicale de tuer ce mouvement coriace, dont l'intensité ne faiblit pas.

«Anarchistes»

Ces rassemblements, que Nétanyahou voit de toute façon comme des réunions bruyantes mais folkloriques «d'anarchistes», n'ont pas provoqué le début du commencement d'une remise en question. Ainsi, au moment d'annoncer le reconfinement, le Premier ministre – qui n'a nommé un «médecin en chef» pour guider sa stratégie que fin juillet – s'est félicité des dégâts épargnés à l'économie nationale grâce à sa décision de retourner immédiatement à la normale fin mai. «Sortez, amusez-vous !», avait-il alors lancé. Une injonction qui a pourtant mené Israël au crash sanitaire actuel, alors qu'un cinquième des actifs sont toujours sans travail. Ce reconfinement en pleine période festive (de Rosh Hashanah à Souccot), sur laquelle comptaient beaucoup les hôteliers et les commerçants, devrait par ailleurs coûter près de 15 milliards de shekels (3,75 milliards d'euros), selon le ministre des Finances.

Si les mesures doivent encore être détaillées, la question du respect des consignes et du consentement de la population se pose. Les Israéliens ont déjà été privés de la Pâque juive en famille, alors que Nétanyahou et le président Reuven Rivlin contournaient en privé les restrictions. Plusieurs associations de commerçants ont déjà fait savoir leur intention de défier les ordres de fermeture. Quant aux partis religieux, qui avaient fait capoter le plan de confinement local proposé en premier lieu en criant à la «stigmatisation», ils ont marqué dès dimanche leur vive opposition à toute restriction des prières et à la fermeture des synagogues par la démission de Yaakov Litzman, ministre du Logement et chef de file des ultraorthodoxes ashkénazes. C'est donc un pays en pleine ébullition que retrouvera en fin de semaine Nétanyahou, et sur lequel il sera difficile de remettre le couvercle.

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