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récit

Mali : début des concertations nationales pour décider de l'avenir du pays

La junte a ouvert les débat ce jeudi. L'objectif : convenir de la feuille de route de la transition et élaborer sa charte, vingt jours après le coup d'Etat.
Une affiche du leader de la junte, Assimi Goïta, lors d'une manifestation à Bamako, mardi. (Photo AP)
par Olivier Dubois
publié le 10 septembre 2020 à 17h56

Vingt jours après le coup d'Etat qui a renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), la junte lance ce jeudi le début des concertations nationales. Durant trois jours de débats, les différents acteurs vont avoir la lourde tâche de convenir de la feuille de route de la transition et d'élaborer sa charte.

«Ces concertations sont l'expression de l'aspiration du peuple pour une refondation […] Nous sommes à un tournant important de notre histoire et nous devons laisser de côté nos différends pour poser les jalons d'un Mali réformé», a déclaré le colonel Assimi Goïta, le nouvel homme fort du pays, lors de la cérémonie d'ouverture. Une partie qu'il sera difficile de remporter pour la junte face à l'inflexibilité de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) et des acteurs locaux.

Soucieuse d'un retour rapide à l'ordre constitutionnel, la Cédéao a placé le Mali sous un régime de sanctions dès le putsch : un embargo sur les échanges commerciaux et financiers ainsi que la fermeture des frontières entre ses pays membres. La pression s'est encore accentuée lundi. Lors de son 57e sommet, l'organisation sous-régionale a imposé à la junte la désignation d'un Président et d'un Premier ministre civils avant le 15 septembre et réitéré sa volonté d'une transition de douze mois maximum. Le Comité national pour le salut du peuple (CNSP) proposait initialement une transition de trois ans dirigée par un militaire.

Délitement

Le Mouvement du 5 juin - Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), coalition hétéroclite composée de différents partis politiques et mouvements de la société civile, a montré jeudi matin des signes de délitement. Officiellement, la cause serait une répartition des cartons d'invitation aux concertations. Dans le fond, le mouvement, qui se pose comme un acteur majeur du changement, connaît des dissensions internes concernant le choix du type de transition - militaire ou civile - et ceux qui seront amenés à la diriger. «Le M5 est mort de sa belle mort ! s'écrie Issa Kaou Ndjim, bras droit de Mahmoud Dicko, devant un pareterre de journalistes. Le M5 appartient au peuple malien, mais pas aux anciens porte-parole d'IBK.»

Dès le premier jour, force est de constater que c'est l'ensemble du champ politique malien qui est entré ébullition, montrant par ailleurs les profondes divisions qui la gangrènent. «Il y a la génération politique de 1991 qui est au crépucsule de sa carrière et qui ne veut pas céder le pouvoir à la jeune génération. Il y a aussi une volonté de se positionner pour être parmi ceux qui seront les prochains décideurs du pays. Personne n'a confiance en personne, résume Badra Ali Sidibé, membre du Rassemblement pour le Mali (RPM), le parti politique de l'ancien président IBK. Certains préfèrent proposer un acteur neutre et donc donner le pouvoir aux militaires. Une autre partie attend un président de la transition et un Premier ministre qui ne porteront pas un gourdin, une machette ou un fusil à l'épaule. Comme on a l'habitude de dire, les Maliens ne sont même pas d'accord sur leurs désaccords.»

Politique de la chaise vide

Autre acteur d'importance, la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA, ex-rébellion à dominante touareg), qui réclamait des entretiens préalables avec la junte, mais qui n'ont pas eu lieu. La coordination ne se sentant pas considérée a préféré pratiquer la politique de la chaise vide et a brillé par son absence.

Alors que ces différents acteurs en discorde décident de l'avenir du pays, le peuple malien semble lui aussi divisé. Entre ceux qui préfèrent une transition civile ou militaire et ceux qui restent fidèles à la Constitution malienne, souhaitant que la transition passe par le jeune président de l'Assemblée nationale, Moussa Timbine, détenu par la junte depuis le coup d'Etat. Des revendications, des rebuffades, des propositions nombreuses, dans une société malienne qui se prépare à des concertations en forme de bras de fer, alors que le compte à rebours enclenché par la Cédéao prendra fin dans cinq jours.

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