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Exilés

L’impossible retour au pays des réfugiés syriens

Si les trois quarts des exilés syriens veulent rentrer dans leur pays, selon une étude, la plupart considèrent que les conditions d’un retour sûr ne sont pas remplies.
A Alep, en juillet. (-/Photo AFP)
publié le 10 septembre 2020 à 18h46
(mis à jour le 10 septembre 2020 à 20h46)

Ils ne sont chez eux nulle part. Ni à Berlin, où certains responsables conservateurs envisagent de les expulser, ni à Ankara, où Erdogan s’en sert comme un instrument de chantage. Encore moins à Beyrouth, où on leur reproche de menacer l’équilibre communautaire. Impossible pourtant de rentrer chez eux en Syrie où ils craignent pour leur vie. L’Association syrienne pour la dignité des citoyens (ASDC) a publié un rapport en juillet sur les conditions minimales d’un retour en Syrie pour les personnes qui en sont parties. Le document se fonde sur les témoignages de 1 100 individus - réfugiés au Proche Orient et en Europe ou déplacés internes - contraints de quitter leur foyer entre 2011 et 2019.

Si les trois quarts ont déclaré qu'ils souhaitaient rentrer chez eux à terme, l'écrasante majorité, indépendamment de leur situation géographique actuelle et de leur appartenance politique, considère que les conditions d'un retour sûr et durable ne sont pas réunies à ce jour. «Je ne rentrerai pas tant que le régime d'Assad est au pouvoir et qu'il n'y a pas d'Etat démocratique», dit Abed (1), 28 ans. Originaire de Damas, il a fui la guerre en 2013 après avoir obtenu une bourse pour étudier aux Etats-Unis. Il n'a jamais revu sa famille depuis ce jour.

Interrogatoire

Après neuf ans de guerre, qui ont coûté la vie à 380 000 personnes, la progression du régime d’Assad et de ses alliés dans la reconquête des territoires est indéniable. Et l’impact potentiel d’une présence prolongée des Syriens inquiète leurs pays hôtes, en particulier le Liban, la Turquie et la Jordanie qui accueillent, à eux trois, plus de 5 millions de Syriens exilés. Plus de 50 % de la population syrienne d’avant-guerre a été contrainte de fuir depuis 2011.

Les individus interrogés devaient choisir cinq conditions préalables à leur retour. Pour les trois quarts d'entre eux, la première priorité concerne les actions de l'appareil sécuritaire du régime et la nécessité de le démanteler. «Je crains surtout d'être enrôlé de force par l'armée ou d'être kidnappé par les chabiha [agents officieux au service d'Assad, ndlr]», explique Abed. Selon Amnesty International, les «civils qui rentrent en Syrie doivent se soumettre à une vérification de sécurité qui comprend notamment un interrogatoire par les forces de sécurité syriennes, responsables de violations des droits humains généralisées et systématiques».

La deuxième condition d’un retour est d’ordre politique : 67 % des répondants ont identifié le départ du régime syrien et de ses figures clés comme l’une de leurs priorités. Mais Al-Assad continue de s’accrocher au pouvoir.

Volontaire

«Nous ne voyons pas de solution politique au conflit», avait déclaré fin juin Filippo Grandi, Haut Commissaire de l'ONU pour les réfugiés (HCR). Les participants souhaitent également la fin des combats et l'arrêt des bombardements. «Il y a plus de régions qui sont devenues plus stables, mais il y a encore des zones en conflit», avait encore mis en garde Filippo Grandi, avant d'ajouter que «les retours de réfugiés doivent se faire de manière volontaire». De nombreuses ONG mettent toutefois en doute le caractère bénévole de ces retours et dénoncent des mesures visant à resserrer l'étau autour des réfugiés. Bachar al-Assad, lui, ne semble pas impatient de voir ses exilés rentrer : «La Syrie est à présent plus homogène», avait-il lâché en 2017.

(1) Le prénom a été modifié.

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