Au moment de boucler son récit, Sanaa renverse la petite casserole de café. Le dense liquide noir dessine une flaque sur la toile cirée. Mais elle continue de parler sans perdre le temps d'éponger, comme pour en finir au plus vite avec l'histoire de sa vie d'avant. Celle-ci se déroule en Syrie, son pays. «Il n'y a que la peur là-bas. Quand j'y repense, je ne ressens que de la peur», dit-elle.
Sanaa a trouvé une porte dérobée pour s’échapper et rejoindre la France. Un détour de près de 20 000 kilomètres via l’Amérique du Sud : là, elle a traversé la jungle pour atteindre la Guyane où elle a demandé l’asile. Le 4 février, elle a obtenu un titre de bénéficiaire de la «protection subsidiaire» pour quatre ans. Elle a encore du mal à prononcer en français ce vilain mot administratif, mais elle sourit en essayant.
A lire aussiL'impossible retour au pays des réfugiés syriens
La Syrienne de 44 ans est originaire de Soueïda, dans l'extrême sud du pays, le fief de la communauté druze. Enfant de la classe moyenne, elle a travaillé treize années à Damas dans une garderie avant de se marier et de s'installer dans la petite ville de Salkhad, près de la frontière jordanienne. Son mari est employé d'une agence immobilière. Ils ont deux fils. «Mon époux était contre le régime, il parlait beaucoup, partout. Avec la révolution, des groupes armés ont pris le