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Verdict

Le champion de lutte iranien Navid Afkari condamné à la peine de mort et 74 coups de fouet

Arrêté en septembre 2018 après avoir participé à des manifestations dans la ville de Shiraz et accusé d'avoir poignardé un homme à mort, ce que son avocat conteste, le lutteur raconte avoir avoué sous la torture. Sa mère lance un appel à l’aide internationale.
Le lutteur Navid Afkari. (Photo UN Watch. Twitter)
par Darya Djavahery
publié le 4 septembre 2020 à 17h17

«A 5 heures du matin, des officiers habillés en civil sont entrés chez nous sans mandat et ont emmené mes fils Vahid et Navid.» Dans une vidéo qui a beaucoup circulé ces derniers jours, la mère de Vahid et Navid Afkari décrit les circonstances dans lesquels ses deux fils ont été arrêtés en septembre 2018, après avoir participé à des manifestations dans la ville de Shiraz. «Je demande de l'aide à quiconque m'entend», plaide-t-elle la voix gonflée de larmes. Navid Afkari, lutteur iranien de 27 ans, a été condamné à une peine de mort et 74 coups de fouets ce 2 septembre après avoir vu sa procédure d'appel échouer.

Le champion de lutte, médaillé dans son pays comme à l'international, a été arrêté à la suite d'émeutes à Shiraz, en réaction à des pénuries d'eau qui ont frappé le sud de l'Iran en 2018. Le jeune homme a été accusé d'avoir poignardé à mort un membre de la régie municipale de l'eau. L'accusation est bâtie sur une vidéo de sécurité où il est vu en train de se débattre avec l'agent. Cependant, l'avocat de l'accusé a précisé durant les procédures d'appel que la vidéo a été filmée une heure avant la mort de la victime, et Navid n'était pas présent au moment des faits. Comme le rapporte l'agence de presse iranienne Mizan (agence officielle de la justice), c'est en vertu de la loi du Qesas, l'équivalent de la loi du talion, tirée de la sharia, que Navid Afkari doit être exécuté.

«Ils refusent de m’entendre»

En septembre 2019, le lutteur avait déposé une plainte formelle, expliquant qu'il avait donné des aveux sous la torture. Dans le même temps, il avait lancé une procédure d'appel, qui est remontée jusqu'à la Cour suprême. Le verdict a cependant été maintenu. Dans un enregistrement audio qui circule depuis un an sur les sites de l'opposition et les réseaux sociaux, le jeune lutteur raconte avoir été torturé : «Il n'y a pas un seul document dans ce dossier qui puisse prouver ma culpabilité, mais ils refusent de m'entendre.»

Vahid Afkari, le frère de Navid, a été arrêté en même temps que lui. Il a écopé, lui, d'une peine de 54 ans et 74 coups de fouets pour «lutte armée contre l'Etat». D'après sa mère, Vahid aurait lui aussi été violenté par les services de renseignement, qui cherchaient à lui soutirer des aveux incriminant son frère : «Ils l'ont tellement torturé qu'il a tenté de se suicider trois fois», explique-t-elle dans la vidéo. Vahid témoigne dans un enregistrement audio qui circule depuis quelques jours : «Ils m'attachaient la tête en bas et me frappaient les pieds des heures durant. Puis ils m'obligeaient à marcher», dit-il la voix étranglée.

Nombreuses réactions en ligne

Un rapport récent d'Amnesty International dénonce une recrudescence des aveux sous la torture, une pratique courante en Iran, utilisée massivement sur des manifestants arrêtés à la suite d'émeutes en novembre 2019. L'adresse face caméra de la mère des jeunes gens condamnés a déjà suscité de nombreuses réactions en ligne, principalement sur Twitter. Emue jusqu'aux larmes, elle n'arrive pas à prononcer les mots «peine de mort». En appelant à l'aide internationale, l'Iranienne espère que le régime ouvrira le procès de nouveau. Cela a été le cas pour trois hommes condamnés à mort en février dernier, dont la Cour suprême a accepté de revoir le jugement en juillet, suite à une très grande mobilisation sur les réseaux sociaux. Le président Donald Trump a tweeté hier, appelant le gouvernement iranien à ne pas exécuter Navid Afkari. Le coach du champion UFC Conor McGreor, John Kavanagh, a lui aussi manifesté son soutien à Navid, toujours sur Twitter.

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