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états-unis

Joe Biden repart en campagne : «Trump essaye d'effrayer l'Amérique»

Dans un discours à Pittsburgh, le candidat démocrate a accusé le président américain, qui se pose comme le garant de l'ordre, «d’attiser les braises» des violences qui secouent le pays.
Joe Biden, candidat démocrate à la présidence, à Pittsburgh, en Pennsylvanie, lundi. (SAUL LOEB/Photo Saul Loeb. AFP)
publié le 31 août 2020 à 20h34
(mis à jour le 1er septembre 2020 à 2h40)

«Vous me connaissez, vous connaissez mon histoire, celle de ma famille, a lancé Joe Biden, candidat démocrate à l'élection présidentielle américaine de novembre, dans un discours prononcé lundi après-midi depuis Pittsburgh (Pennsylvanie). Posez-vous la question: est-ce que je ressemble vraiment à un socialiste radical qui a un faible pour les émeutiers?»  

Aussi étrange qu'elle puisse paraître dans la bouche du démocrate modéré, cette déclaration était une réponse aux attaques du président Donald Trump et de ses partisans. Ceux-ci n'ont eu de cesse, lors de la convention républicaine la semaine dernière, ou sur les réseaux sociaux ce week-end, de présenter Biden en «cheval de Troie de la gauche radicale», de l'accuser de laxisme envers les «émeutiers, les pillards et les casseurs», et d'avertir les électeurs qu'ils ne seraient «pas en sécurité dans l'Amérique de Joe Biden».

Pressé par ses soutiens de s'exprimer, Joe Biden a finalement répondu ce lundi lors d'une allocution percutante, et accablante pour le président Trump: «La simple vérité, c'est que Donald Trump a échoué à protéger l'Amérique, a-t-il enfoncé. Alors maintenant, il essaye d'effrayer l'Amérique».

Trois morts en quelques jours

Le candidat démocrate avait indiqué au début de l'été ne pas vouloir organiser d'événements publics d'ici le scrutin, devant une pandémie de Covid-19 toujours galopante (183 000 morts et plus de six millions de personnes contaminées dans le pays), se contentant de prises de parole vidéos depuis son fief de Wilmington (Delaware). Une décision moquée par le président Trump et ses soutiens, qui ont raillé un Biden craintif, «enfermé dans son sous-sol». La convention démocrate, mi-août, s'est tenue entièrement virtuellement.

Mais c'était sans compter les troubles dans plusieurs villes américaines, en marge de manifestations antiracistes, qui ont «forcé Joe le lent à sortir de son sous-sol», n'a pas manqué de tweeter Trump lundi. Deux manifestants antiracistes sont morts mardi, tués par un jeune milicien et supporteur de Trump à Kenosha, ville du Wisconsin où Jacob Blake, un Afro-Américain, avait été grièvement blessé le 23 août par un policier blanc.

Samedi à Portland (Oregon), lieu de manifestations quotidiennes contre les violences policières aux Etats-Unis depuis la mort en mai de George Floyd, une personne a été tuée par balles dans des circonstances encore confuses, lors d'une soirée de heurts entre manifestants antiracistes et partisans de Donald Trump. L'homme décédé, touché par balle à la poitrine, portait une casquette «Patriot Prayer», un groupe local d'extrême droite actif contre les manifestations antiracistes. Dans une rafale de plusieurs dizaines de tweets et retweets, dimanche matin, Trump a attaqué le maire démocrate de Portland, Tel Wheeler. Au lieu de chercher à apaiser les esprits, il a affirmé qu'il «fallait s'attendre à un retour de bâton à Portland».

«Y a-t-il quelqu'un ici qui croit qu'il y aura moins de violence en Amérique si Donald Trump est réélu?», a demandé Biden lundi, cherchant à retourner contre Trump, qui exploite les violences récentes, ses propres arguments. En se posant en garant de «la loi et de l'ordre», le Président, devancé dans les sondages par son rival démocrate, veut imposer la question sécuritaire dans la campagne, à deux mois de l'élection.

Une manière, accusent les démocrates, de détourner l'attention de la gestion catastrophique de la crise sanitaire par son administration, et de la récession économique qui en a découlé, mettant des millions d'Américains au chômage et allongeant les files d'attente devant les banques alimentaires du pays. «Nous devons affronter de multiples crises: le Covid, la dévastation économique, les violences policières injustifiées, les nationalistes blancs enhardis, une prise de conscience sur la question raciale, une foi déclinante envers un avenir prometteur en Amérique, a listé Biden. Le point commun? Un président sortant qui ne fait qu'empirer les choses, au lieu de les apaiser.»

Trump «souffle sur les braises»

Lisant son prompteur dans un silence total, debout devant une rangée de drapeaux américains, Biden a fermement critiqué les «violences insensées, les pillages, les destructions», dont les images tournent en boucle depuis quelques jours. «La violence n'apportera pas le changement. Cela doit cesser», a insisté Biden, en réponse à Trump qui l'accuse de ne pas condamner fermement les émeutiers. «Mais nous avons un président qui souffle sur les braises. Il ne peut pas arrêter ces violences: il les entretient depuis des années», a dénoncé le candidat démocrate. «Plus il y a de chaos et de violence, plus ça favorisera la réélection» du président, a-t-il prévenu.

Qualifiant le président américain de «toxique», «empoisonnant notre démocratie», et cherchant à tout prix à «rester au pouvoir», il a appelé à une «Amérique à l'abri du Covid, à l'abri de la criminalité et des pillages. À l'abri des violences raciales, à l'abri des mauvais policiers. À l'abri de quatre années supplémentaires de Donald Trump.» Le président américain, qui a visiblement suivi son discours, n'a pas manqué de livrer son analyse peu après, sur Twitter. Et il persiste: «Je viens de regarder ce que Biden avait à dire. Pour moi, il condamne beaucoup plus la police qu'il ne condamne les émeutiers, les anarchistes, les agitateurs et les pillards, qu'il ne pourrait jamais condamner, au risque de perdre le soutien de la gauche radicale!».

Donald Trump doit se rendre ce mardi à Kenosha pour rencontrer les forces de l'ordre et constater les dégâts matériels de ces derniers jours. «Nous devons redonner à nos policiers leur dignité, du respect», a-t-il plaidé lundi soir lors d'une conférence de presse. «Parfois il y a de mauvais policiers», «mais d'autres fois ils prennent seulement de mauvaises décisions», «ils craquent», a-t-il ajouté, en semblant relativiser, sinon excuser, les bavures. Le président américain a également confirmé qu'il ne rencontrerait pas la famille de Jacob Blake, expliquant qu'il avait refusé d'avoir affaire à leurs avocats.

Dans un contexte de fortes tensions, la visite de Trump n'est pas franchement du goût des autorités locales. Le maire de la ville, le démocrate John Antaramian, a fait savoir dimanche que ce n'était «pas le bon moment». Le gouverneur du Wisconsin, Tony Evers, lui aussi démocrate, s'est fendu d'un courrier de deux pages au président pour lui demander de «reconsidérer» son déplacement. «Je m'inquiète que votre présence ne fasse que retarder nos efforts pour surmonter nos divisions et avancer ensemble, écrit Evers. Ce n'est pas le temps de la discorde.»