Neuf des 23 provinces argentines sont en proie à des incendies de forêts, certains catastrophiques. Le ministre de l'Environnement et du Développement durable, Juan Cabandié, a qualifié la situation de «tragique et préoccupante» après avoir survolé jeudi la région de Córdoba. L'autre foyer où le feu semble hors de contrôle est le delta du fleuve Parana, à la frontière avec le Paraguay.
Le Service national de gestion des incendies (SNMF), un organisme officiel créé en 1996 pour coordonner la lutte contre le feu, affirme dans un rapport que «95% des sinistres sont dus à l'activité humaine : feux de camp, mégots mal éteints, terrains non entretenus, brûlis pour créer des pâturages». Les autres facteurs pointés par le SNMF sont «le manque de précipitations, les températures élevées, le faible taux d'humidité et la force des vents». Depuis plusieurs jours, Córdoba, la deuxième ville du pays, et ses environs sont recouverts d'un nuage de cendres.
530 km2 de zone humide dévastés
L'Argentine connaît depuis le début de l'année une sécheresse catastrophique qui touche 60% de son territoire. Le mois de juillet a été le sixième le plus sec depuis un siècle, alors que cette période de l'année, l'hiver austral, est censée être humide. Les chercheurs s'inquiètent particulièrement du delta du Parana, un des plus puissants et riches en biodiversité du monde. Ce territoire de 14 000 km2, où 700 espèces de plantes et d'animaux ont été répertoriées, constitue le troisième réseau hydrographique du monde, après ceux de l'Amazone et du Congo. A partir d'images satellites, l'association environnementale Naturalistas Santafesinos a calculé que plus de 530 km2 de zone humide avaient été dévastés fin juillet, soit l'équivalent de trois fois la superficie de la capitale, Buenos Aires. Le niveau du Parana, «petite mer» en langue guarani, est le plus bas enregistré depuis 1971.
«Les incendies ont un effet immédiat et d'autres effets qui se découvrent à moyen et long terme : mortalité d'animaux, perte d'habitats naturels pour de nombreuses espèces, appauvrissement des sols, pollution de l'eau et de l'air, et impact sur les émissions de CO2», expliquait à l'AFP au début du mois Graciela Klekailo, de l'université nationale de Rosario (UNR). Les associations environnementales réclament le vote au Parlement d'une loi sur la protection de ces écosystèmes, qui permettrait de déterminer les usages de ces territoires et de garantir la sauvegarde environnementale du delta. Mais le texte, présenté à deux reprises devant le Parlement, n'a jamais obtenu un nombre de votes suffisant.
«Manque de contrôle et laisser-aller»
Comme dans le cas de l'Amazonie brésilienne, les éleveurs bovins sont les suspects numéro un. On les accuse d'allumer des feux pour «nettoyer» les pâturages, les cendres les rendant plus fertiles. Le ministère de l'Environnement a d'ailleurs déposé une plainte au pénal contre des éleveurs et des fermiers. Ces derniers rejettent catégoriquement ces accusations. Ils affirment que les incendies limitent également leurs activités et dénoncent un «manque de contrôle et un laisser-aller» de la part des autorités dans la gestion de la zone.
Les épaisses fumées provoquent des problèmes respiratoires chez les habitants, alors que le contexte sanitaire est déjà rendu difficile par la pandémie de coronavirus. En juin, des chercheurs ont détecté que l’air dans la ville de Rosario contenait cinq fois plus de particules polluantes que les normes autorisées.