«Le putschisme est une grave maladie. Pour en guérir, une seule ordonnance : les sanctions.» Le président du Niger, Mahamadou Issoufou, a donné le ton de la réunion virtuelle de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), vendredi, en ouverture des débats. Mais le patient malien est du genre méfiant. Il ne compte pas avaler passivement les cachets prescrits par la Cédéao. La junte militaire qui a renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta il y a dix jours s'efforce, pour l'instant, de régler les choses poliment.
D'abord, les putschistes ont affirmé avoir remis en liberté le président déchu, jeudi, à la veille du sommet. Un geste de bonne volonté destiné à rassurer les dirigeants des pays voisins, qui ont insisté sur la préservation de la sécurité et de la dignité de l'ex-chef de l'Etat. «IBK» – dont plus personne ne demande le retour au pouvoir – aurait rejoint son domicile privé dans le quartier de Sebenikoro. Il n'est pas apparu publiquement.
Vernis juridique
Ensuite, les chefs de la junte sont allés en personne plaider leur cause auprès des dirigeants de la région. Jeudi, le colonel Malick Diaw, vice-président de l'autoproclamé Conseil national de salut du peuple (CNSP), a rencontré successivement le président burkinabè, Roch Kaboré, à Ouagadougou puis Mahamadou Issoufou à Niamey. Le même jour, les officiers ont fait publier au Journal officiel de la République du Mali un «Acte fondamental», rédigé à la manière d'une mini-Constitution, afin de donner un vernis juridique au nouveau pouvoir. Sans remplacer la loi fondamentale de 1992, le texte la «complète, modifie ou [y] supplée», précise l'article 41, «avant l'adoption d'une charte pour la transition». En attendant, le président du CNSP, le colonel Assimi Goïta, 37 ans, «assure les fonctions de chef de l'Etat». Une façon de combler le «vide constitutionnel», qui préoccupe la Cédéao.
Ces efforts n'ont toutefois pas été suffisants aux yeux des dirigeants ouest-africains, qui ont choisi de maintenir les sanctions imposées au Mali au lendemain du coup d'Etat. La Cédéao «prend acte de la libération du président Keïta ainsi que celle des autres officiels détenus», a indiqué Mahamadou Issoufou à la sortie de la réunion, mais «demande aux responsables du CNSP d'engager une transition civile immédiatement». Plus précisément, l'organisation sous-régionale souhaite la «nomination d'un président de la transition», qui ne «sera pas candidat à l'élection présidentielle». Elle détaille même son profil : «Une personnalité civile reconnue pour ses qualités professionnelles et sa probité intellectuelle et morale.»
Soutien populaire
Deuxième écueil : alors que les putschistes avaient initialement proposé une transition de deux ou trois ans, la Cédéao demande «des élections dans un délai de douze mois». Paris, inquiet de l'instabilité de son allié dans la lutte antiterroriste, qui mobilise 5 100 soldats français au Sahel, pousse également dans ce sens. Les putschistes ont eu beau multiplier les garanties à l'intention des partenaires sécuritaires du Mali, la période de transition n'est pas propice à un engagement serein des forces armées, estime ces derniers. L'Union européenne a suspendu son programme d'entraînement des soldats maliens et les Etats-Unis ont gelé leur coopération militaire.
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La Cédéao a promis que «les sanctions seront levées progressivement en fonction de la mise en œuvre de la transition». Depuis le 20 août, l'organisation a fermé les frontières de ses Etats membres avec le Mali et ordonné l'arrêt des flux financiers et commerciaux – excepté pour «les produits de première nécessité, les médicaments et les produits pétroliers». A Bamako, l'embargo est pour l'instant peu ressenti par la population. Les colonels qui ont mené le coup d'Etat ont été acclamés, le 21 août, par une foule nombreuse, visiblement réjouie par la chute d'IBK. Depuis le début de l'été, une puissante coalition d'opposants exigeait la démission du Président, accusé de tous les maux. Les leaders de la contestation ont été reçus mercredi par le CNSP, dont la survie dépendra en partie de sa capacité à conserver un soutien populaire. Y parviendra-t-il ? A lire les réseaux sociaux, les leçons de démocratie de la Cédéao ne sont guère appréciées par les Bamakois. Mais les ambitions politiques des putschistes suscitent également de plus en plus de méfiance.