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Profil

Lynette Villano, trumpiste à toute épreuve

La militante républicaine et catholique, fille d’ouvrière et fanatique de Trump, incarne parfaitement la base électorale du Président.
(Photo DR)
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publié le 28 août 2020 à 18h16

Depuis l’été 2015, chaque jour sans exception, Lynette Villano arbore un badge à l’effigie de Donald Trump. Selon l’humeur et les circonstances, cette habitante du nord-est de la Pennsylvanie opte pour le modèle classique (rond, sourire Colgate du Président sur fond de drapeau américain) ou pour le plus fantaisiste (sorte de broche rectangulaire en simili diamants où le nom Trump en lettres majuscules surmonte également une bannière étoilée). A 74 ans, dont trente dans les arcanes du Parti républicain local et cinq à soutenir ardemment le milliardaire-président, Lynette Villano incarne la fameuse «base» électorale de Donald Trump. Cette foule de fidèles (de «fanatiques» selon leurs détracteurs) entièrement dévoués au locataire de la Maison Blanche, et convaincus qu’il obtiendra en novembre un nouveau bail de quatre ans.

«Enthousiasme»

Récompense suprême pour sa loyauté absolue, Lynette a assisté en personne, jeudi soir, au discours de Trump depuis la résidence présidentielle à Washington, en clôture de la convention républicaine. «Cela va au-delà de tout ce que je pouvais imaginer. C'était un moment exceptionnel, une chance inouïe», confie cette ancienne présidente du Parti républicain local, qui faisait partie cette semaine des délégués de Pennsylvanie pour la grand-messe du Grand Old Party (GOP).

Lorsqu'on rencontre Lynette Villano pour la première fois en octobre 2016, Hillary Clinton compte 6 points d'avance sur Donald Trump dans les sondages en Pennsylvanie. «Les sondages se trompent», balaie alors la septuagénaire, qui dit n'avoir jamais «vu un tel enthousiasme» pour un candidat. Un mois plus tard, Trump lui donne raison en devenant le premier républicain à remporter le Keystone State depuis 1988. Une victoire acquise notamment dans le Luzerne County, terre mi-rurale mi-industrielle où réside Lynette Villano, et où la promesse du magnat de l'immobilier de rendre sa «grandeur» à l'Amérique a fait un carton. Barack Obama s'y était imposé deux fois (avec 9 points d'avance en 2008 et 5 en 2012). Trump, lui, a atomisé Clinton, reléguée à 20 points.

Forte de cette expérience, Lynette Villano, employée administrative au service local d'assainissement, fait peu de cas des sondages qui, à deux mois du scrutin, donnent justement 6 points d'avance à Joe Biden, l'enfant du pays né à Scranton, dans le comté voisin : «Je vous assure que la ferveur autour du Président est plus forte encore qu'il y a quatre ans. Le nombre d'électeurs enregistrés comme républicains continue d'augmenter. Et nous n'avons pas assez de panneaux Trump à donner aux gens qui veulent les planter dans leur jardin.»

Et de préciser : «Avant la crise du Covid, les gens ici étaient de plus en plus optimistes pour leur futur. Les entreprises embauchaient, le taux de chômage était au plus bas.» De 6,7 % en janvier 2017, date de l'investiture de Trump, il est tombé à 4,9 % l'an dernier, avant de connaître une légère hausse puis une flambée (16,1 % en juin) liée à la pandémie de nouveau coronavirus. Très bien gérée par l'administration Trump, selon la militante, alors que les Etats-Unis, avec 180 000 morts, sont pourtant le pays le plus endeuillé au monde. «Il a fait du bon boulot en fermant les frontières avec la Chine, en s'entourant des meilleurs médecins. Il s'est adapté aux informations très fluctuantes sur le virus, clame-t-elle. Si la Pennsylvanie a été durement touchée [plus de 7 600 morts, ndlr], c'est à cause de notre gouverneur démocrate, qui n'a pas pris les mesures nécessaires, notamment dans les maisons de retraite.»

Evidence

Quand on l'interroge sur les succès de la présidence Trump, cette fervente catholique répond sans hésiter : «La nomination des juges conservateurs à la Cour suprême et dans les tribunaux, qui auront un impact à long terme.» Elle mentionne aussi, en vrac, «l'économie florissante avant le Covid, la renégociation des accords commerciaux, l'approbation du pipeline Keystone XL». Puis s'en prend inévitablement aux «médias mainstream, incapables de reconnaître le moindre progrès. Ils ont critiqué absolument tout ce qu'il a fait, depuis le premier jour».

Si soutenir Trump lui est apparu comme une évidence, voire une mission, dès le 16 juin 2015, quand l'homme d'affaires a descendu l'escalator doré de son gratte-ciel new-yorkais pour annoncer sa candidature, cela ne s'est pas fait sans douleur, confie cette grand-mère énergique. Le lendemain de l'élection du milliardaire, en novembre 2016, elle envoie un SMS à son petit-fils Connor pour lui faire part de sa joie. La réponse de ce dernier est cinglante : «Donald Trump est un imbécile sectaire qui a exploité le racisme et l'ignorance en Amérique. Lui et ses supporteurs devraient avoir honte.» Depuis plus de quatre ans, Connor refuse de la voir ou de lui parler. Sa sœur a également coupé les ponts l'an dernier : «Elle m'a dit que tant que je soutiendrais Donald Trump, je ne faisais plus partie de sa vie.»

«Cela me fait profondément souffrir car j'ai une petite famille, poursuit-elle, émue. Mais notre pays est si divisé aujourd'hui que certains n'acceptent pas les opinions des autres. En trois décennies de politique, je n'ai jamais vu ça.» En mars, Lynette Villano, petite-fille de policier et fille d'ouvrière textile, a pu évoquer cette blessure intime… directement avec le Président, lors d'une table ronde organisée par la chaîne Fox News. «Plusieurs membres de ma famille ne me parlent plus. Comment allez-vous faire pour nous rassembler ?» a-t-elle demandé à Donald Trump. Ce dernier l'a remerciée de son soutien, a raillé «la gauche radicale» puis s'est projeté vers le 3 novembre : «Nous allons gagner la prochaine élection, et quand nous le ferons, dans le camp d'en face ils se diront "ok, c'est comme ça, maintenant nous devons nous entendre". J'y crois vraiment. Nous devons gagner l'élection.»