A peine ouvertes lundi matin, les discussions inter-syriennes sous l’égide de l’ONU à Genève ont été suspendues à l’issue de la première séance. Après la découverte de quatre cas positifs de Covid-19 parmi les délégués venus de Damas, les 45 participants syriens ont été enfermés pour dix jours de quarantaine dans leurs chambres d’hôtel respectives.
Convoqué après neuf mois d’interruption et de laborieuses tractations diplomatiques, ce Comité pour la révision de la Constitution syrienne est le seul processus en cours impliquant la communauté internationale dans le dossier syrien. Il est mis en place dans le cadre de la résolution 2 254, adoptée en décembre 2015 par le Conseil de sécurité, qui prévoit également l’organisation d’élections sous la supervision de l’ONU. Il compte 45 personnes réparties en trois délégations désignées, à parts égales, par le gouvernement syrien, l’opposition agréée et l’émissaire de l’ONU Geir Pedersen, afin d’insérer des représentants de la société civile.
«Une certaine pression russe»
Lors des deux précédentes sessions de ce comité, organisées en 2019, aucune avancée n’avait été obtenue. Les délégations rivales ne s’étaient même pas rencontrées. En novembre, une tentative de réunion a été avortée en raison d’un désaccord sur l’ordre du jour. Les multiples cycles de discussions entre les belligérants, sous la houlette de l’ancien envoyé de l’ONU Staffan de Mistura, avaient eux aussi buté sur l’ordre du jour des négociations, Damas insistant pour parler de terrorisme quand l’opposition réclamait que soit discutée une transition politique.
«Une certaine pression russe» a, cette fois-ci, été exercée sur le régime de BacharaAl-Assad pour qu'il prenne part aux discussions, a indiqué l'ambassadeur américain pour la Syrie, James Jeffrey, présent à Genève. Sans attendre de «miracle ni de tournant» de ces discussions, Geir Pederson avait reconnu dimanche qu'il s'agissait de poursuivre «un processus long et compliqué». Il n'avait pas anticipé la suspension immédiate des pourparlers à cause de l'irruption du «coronavirus aux ordres du régime syrien», a ironisé le site d'information libanais Al-Modon.
«Pneumonies»
Les délégués en provenance de Damas avaient été testés vingt-quatre heures avant leur départ dans un centre de l’ONU de la capitale syrienne, et tous étaient négatifs, a précisé une source de l’organisation à Genève. Les quatre cas positifs ont été découverts à la suite du deuxième test imposé à l’arrivée à tous les participants, y compris ceux venus d’ailleurs. Leur contamination, dans le court laps de temps écoulé entre le test fait à Damas et leur arrivée sur le sol suisse est une indication du degré de propagation du virus dans la capitale syrienne.
Le Covid fait, en effet, des ravages en Syrie, en particulier dans les zones contrôlées par le régime, mais en toute opacité en raison du déni des autorités. Les cas mortels, officiellement de «pneumonies», se multiplient depuis le début de l'été dans des hôpitaux et structures médicales débordées et mal équipées, y compris à Damas. «Une soixantaine de médecins sont morts du virus», nous indique une source médicale dans la capitale, sous couvert d'anonymat. Alors que les tests sont rares, «nous conseillons à la majorité des malades ayant des symptômes de rester chez eux et prier pour une guérison plutôt que de se rendre dans un centre de soins», ajoute l'interlocuteur.
A Genève, une quarantaine stricte a été imposée par les autorités suisses à l'ensemble des délégués syriens après leur premier contact. Ils sont «traités comme des pestiférés», confie l'un d'entre eux, logé dans un hôtel près de l'aéroport, avec interdiction formelle de sortir de la chambre, sinon pour prendre les plateaux-repas déposés devant la porte par le personnel.