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Education

En Allemagne, une reprise comme si de rien n’était

Outre-Rhin, syndicats d’enseignants et parents d’élèves fustigent l’absence de mesures sanitaires nationales dans un pays où chaque Land édicte ses propres règles, la plupart ayant décidé de n’imposer ni masque ni gestes barrières.
Dans une école, en Rhénanie du Nord-Westphalie, le 12 août. (INA FASSBENDER/Photo Ina Fassbender. AFP)
publié le 26 août 2020 à 18h46
(mis à jour le 26 août 2020 à 20h46)

Aucune distanciation sociale, pas de masques pendant les cours, des classes surchargées… La rentrée scolaire en Allemagne se déroule comme si la pandémie n'avait jamais eu lieu. «Et surtout n'oubliez pas de vérifier s'il ne manque pas une gomme dans la trousse de vos enfants !» rappellent les responsables d'établissement aux parents la veille de la rentrée. Et le virus ? «L'école a repris comme s'il n'y avait jamais eu de crise. Nous sommes revenus à la situation de début mars», déplore Ilka Hoffmann, membre de la direction du grand syndicat des enseignants GEW, chargée des écoles. «Nous jouons avec le feu ! Aucune entreprise n'exige de ses employés de travailler avec 30 personnes sans masque dans une pièce et sans distanciation sociale», peste-t-elle.

«Plan B»

Alors que la remontée des infections est préoccupante en Allemagne, les écoles semblent vivre dans l'insouciance totale. «Nous avons 24 élèves dans la classe qui sont collés les uns aux autres», témoigne Franka Müller (1), institutrice dans une école du quartier sensible de Berlin-Moabit, où la rentrée scolaire a eu lieu le 10 août. «Parmi eux, plusieurs reviennent de zones à risque. Le jour de la rentrée, ils étaient tous là sur les bancs !» ajoute-t-elle. Résultat : dès le lendemain de la reprise, la capitale fermait sa première école. Depuis, près de 40 établissements scolaires sur 825 à Berlin recensent déjà des cas de Covid.

Les autres régions vivent toutes le même scénario. «Les autorités se mettent juste à réfléchir à un plan B alors que l'école a commencé ! Il ne s'est rien passé pendant l'été», s'indigne Stephan Wassmuth, représentant des parents d'élèves en Allemagne (Bundeselternrat). Outre-Rhin, en raison du système fédéral, il n'y a pas une seule rentrée scolaire mais seize. Elles s'étalent de début août à début septembre. Même si plus de la moitié des Länder ont déjà repris les cours, la Bavière, par exemple, rentre en classe en septembre, comme en France. Et les régions allemandes, compétentes en matière d'éducation, n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur une politique sanitaire commune. «Il ne faut pas croire aux clichés des Allemands disciplinés et organisés», plaisante Ilka Hoffmann. Chaque région a donc imposé ses propres règles. Tandis que la plupart ont dispensé les élèves de gestes barrières (pas de distanciation sociale, pas de masque pendant les cours), la Rhénanie-du-Nord-Westphalie (grande région autour de Cologne) a ainsi décidé de faire cavalier seul. Le ministre-président, Armin Laschet (prétendant à la chancellerie), a voulu jouer la prudence en imposant le masque dans les classes. «Mais les enfants se sentent mal, les profs ont des maux de tête et la compréhension est difficile, notamment lors des cours de langue étrangère», déplore Ilka Hoffmann.

«Portable»

Et là aussi, les écoles - parfois seulement certaines classes - ferment les unes après les autres. Les parents se préparent donc à un retour à la maison de leurs enfants à tout moment. «Nous ne vivrons pas une année scolaire normale, constamment à la merci du virus. Certains auront de la chance, d'autres pas», dit Stephan Wassmuth. «Six mois après le début de la pandémie, le gouvernement Merkel se met à réfléchir à une solution pour les écoles !» regrette Annalena Baerbock, la coprésidente des écologistes (opposition). «Et qu'est-ce qu'il en ressort ? Un ordinateur portable obligatoire pour les profs !» «Si seulement les Länder nous avaient écoutés, nous n'en serions pas là», fulmine Ilka Hoffmann. Les enseignants avaient suggéré une formule en alternance : un jour à l'école et l'autre à la maison (révisions et enseignement à distance) pour diviser par deux le nombre d'élèves dans les classes. Ilka Hoffmann déplore : «Aucune région n'a suivi nos recommandations.»

(1) Nom d'emprunt. Les enseignants allemands ont un devoir de réserve.

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