Sauf grâce de dernière minute, Lezmond Mitchell sera exécuté par les autorités fédérales américaines à 16 heures (22 heures en France) à la prison de Terre Haute, dans l'Indiana. Cet homme de la communauté navajo, le plus grand peuple amérindien des Etats-Unis, a été reconnu coupable de meurtre : il y a près de vingt ans, il a poignardé une femme de 63 ans et tranché la gorge de sa petite-fille de neuf ans, elles aussi navajos, en volant leur véhicule.
Une sentence appliquée malgré les appels répétés de la nation navajo, qui dénonce le mépris du ministère de la Justice envers sa souveraineté judiciaire. S'il est exécuté, Lezmond Mitchell, 38 ans, sera le premier Amérindien mis à mort par le gouvernement fédéral pour un crime commis contre l'un des siens sur un territoire tribal.
Lezmond Mitchell. Photo AP
L'affaire remonte au 28 octobre 2001. Lezmond Mitchell, alors âgé de 20 ans, et son complice Johnny Orsinger, 16 ans, détournent une camionnette dans laquelle se trouvent Alyce Slim, et sa petite-fille, Tiffany Lee. Leur objectif : cambrioler un commerce situé sur le territoire navajo. Selon les documents judiciaires, les deux hommes poignardent alors Alyce Slim à 33 reprises puis forcent la fillette à s'asseoir près du corps sans vie à l'arrière du véhicule. Mitchell lui tranche alors la gorge et écrase son crâne, avant d'enterrer la tête et les mains des deux victimes. Après avoir dérobé plus de 5 000 dollars dans le commerce, les deux hommes mettent le feu au camion. Ils seront rapidement arrêtés à Round Rock, en Arizona, au cœur du territoire navajo. En mai 2003, Mitchell est reconnu coupable de onze chefs d'accusation par un tribunal fédéral, dont le meurtre au premier degré et le détournement de voiture ayant entraîné la mort.
Consentement de la tribu
Malgré la brutalité de ces meurtres, la nation navajo continue de s'opposer à une condamnation à mort de Mitchell – son complice, mineur au moment des faits, a échappé à la peine capitale. Les responsables de la communauté arguent que la justice fédérale américaine aurait dû obtenir leur approbation avant d'appliquer cette sentence. Une loi adoptée en 1994 par le Congrès garantit en effet aux tribus de juger elles-mêmes les crimes qui se sont déroulés sur leurs territoires.
Selon les partisans du condamné, le gouvernement américain a «exploité une faille» juridique en le condamnant pour «détournement de voiture entraînant la mort», un crime de compétence fédérale pour lequel le consentement de la tribu n'était pas requis. «La décision de condamner un individu à la peine capitale doit être prise au niveau local, et non national. Le cas de Mitchell montre que les Etats-Unis, en tant que colonisateur, s'apprêtent à imposer arbitrairement une loi étrangère aux Indiens», estime Matthew Fletcher, professeur de droit à l'université de l'Etat du Michigan.
La prison de Terre Haute dans l'Indiana, en 2001. Photo Tannen Maury. AP
Dans une tribune publiée dans le New York Times, Carl Slater, un dirigeant navajo, dénonce un «affront à la souveraineté tribale», appelant le président américain, Donald Trump, à commuer sa peine en emprisonnement à vie sans possibilité de libération. «Bien avant l'arrivée des colons espagnols, mexicains, puis américains, nous avons prospéré dans nos terres sauvages et désertiques, en vivant selon nos traditions et nos cérémonies. [...] Procéder à l'exécution de Lezmond Mitchell serait une grave injustice», fustige-t-il. Selon les croyances du peuple navajo traditionnel, les hommes n'ont pas le pouvoir ou l'autorité de condamner à mort un autre humain. Seule une puissance supérieure peut le faire.
Reprise des exécutions fédérales
Cette mise à mort intervient alors que les Etats-Unis ont repris le 13 juillet les exécutions fédérales après presque vingt ans d'interruption, malgré l'opposition de l'Union européenne. En 2003, un moratoire sur les exécutions capitales avait suspendu le sort de Mitchell. Mais depuis son élection, Donald Trump, qui se décrit comme le «président de la loi et de l'ordre», prône une application plus large de la peine de mort, en particulier pour les tueurs de policiers ou d'enfants ainsi que les trafiquants de drogue.
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La plupart des crimes sont jugés au niveau des Etats mais les tribunaux fédéraux peuvent être saisis des actes les plus graves (génocide, crime de guerre, espionnage, haute trahison…) ou commis sur les bases militaires et dans les réserves amérindiennes. Lezmond Mitchell, le seul Amérindien dans le couloir de la mort fédéral, pourrait ainsi devenir la quatrième personne à mourir par injection létale en un peu plus d'un mois.