La présidente du Comité national républicain, Ronna McDaniel, avait annoncé une convention «ambitieuse, avec un ton optimiste, porté par le meilleur messager de notre parti et la star de la convention : le Président lui-même». Si Donald Trump a, en effet, été la vedette incontestée de cette première journée de grand-messe républicaine, qui se tient cette semaine entre la Maison Blanche et Charlotte (Caroline du Nord), en grande partie virtuellement et sans public, nul ton apaisant chez les intervenants, lundi soir. Mais une succession de discours alarmistes et sombres, sur les conséquences d'une éventuelle présidence de Joe Biden, adversaire démocrate de Trump à l'élection présidentielle du 3 novembre.
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«Ne vous y trompez pas : peu importe où vous vivez, votre famille ne sera pas en sécurité dans l'Amérique des démocrates radicaux», a prévenu Patricia McCloskey, assise aux côtés de son mari Mark, dans une vidéo pré-enregistrée et diffusée en prime-time. Ce couple de juristes de St Louis (Missouri), devenus des icônes auprès des conservateurs pro-Trump pour avoir menacé, armes à la main, des manifestants de Black Lives Matter qui défilaient près de leur luxueuse demeure en juin, a même affirmé que Joe Biden était soutenu par des «militants marxistes», cherchant à «abolir les banlieues».
«Idéologie progressiste victimaire»
Trump ne cesse en effet de dépeindre, en cas de victoire de l'ancien vice-président de Barack Obama, une Amérique livrée aux bandes de casseurs, aux immigrés sans papiers et aux groupuscules d'extrême gauche, dans laquelle les honnêtes citoyens se verraient confisquer leurs armes. Les démocrates «veulent vous asservir à l'idéologie victimaire progressiste, au point que vous ne pourriez reconnaître votre pays ou vous-même», a accusé l'ancienne présentatrice de Fox News Kimberly Guilfoyle, compagne de Donald Trump Jr., le fils aîné du président. Donald Trump est «le président de la loi et l'ordre», a-t-elle martelé, prédisant l'apocalypse démocrate lors d'un discours passionné, comme si elle s'adressait à une foule déchaînée (mais face à une salle vide). «Le message [de la convention républicaine] : ayez peur. Ayez très peur», a tweeté David Axelrod, ancien conseiller de Barack Obama.
Kimberly Guilfoyle's full remarks at the @GOPconvention#RNC2020 pic.twitter.com/C0lTDs8Ptu
— Team Trump (Text TRUMP to 88022) (@TeamTrump) August 25, 2020
Les intervenants, anonymes ou figures du Parti républicain, ont chacun décliné la menace d'un Biden «d'extrême gauche» (bien loin des positions réelles du candidat démocrate), voulant appauvrir la police, faire régner le chaos, «écraser les familles de la classe moyenne»… Et à «imposer le socialisme» aux Etats-Unis, comme l'a affirmé Maximo Alvarez, un Américain d'origine cubaine. L'ancienne ambassadrice des Etats-Unis à l'ONU, Nikki Haley, vue comme une potentielle candidate républicaine à l'élection présidentielle de 2024, en a également remis une couche : «Joe Biden et la gauche socialiste seraient un désastre pour notre économie», a-t-elle avancé, affirmant que le rival de Trump cherchait «l'abandon de nos valeurs».
«Monstre du Loch Ness»
Même son de cloche chez Tim Scott, seul élu républicain noir du Sénat, qui a dénoncé la «révolution culturelle» et «l'utopie socialiste» voulues par le candidat démocrate et sa colistière, Kamala Harris, pour une «Amérique fondamentalement différente». «L'histoire nous a enseigné que ce chemin nous mènerait seulement à la souffrance et la misère.» La convention s'est assuré la présence de plusieurs orateurs afro-américains, pour tenter de rallier une partie de l'électorat noir qui lui est majoritairement hostile. Outre Scott, Vernon Jones, un élu démocrate de Géorgie, a également eu droit à l'estrade – il avait apporté son soutien à la bête noire de son parti en avril.
Donald Trump Jr a, lui, décrit Joe Biden en «monstre du Loch Ness» des élites politiques du Washington, «qui sort la tête de l'eau de temps en temps pour se présenter à la présidentielle», référence à sa carrière politique de près d'un demi-siècle et à ses deux échecs passés pour obtenir la nomination de son parti.
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Avec Joe Biden, a-t-il argué, reprenant un thème favori de son père, «ce ne sera plus la majorité silencieuse, mais la majorité réduite au silence». Dans une Amérique polarisée par un mandat de Trump, endeuillée par la pandémie de Covid-19 qui a fait plus de 177 000 morts et mis des millions d'Américains au chômage, en proie à un mouvement historique de colère contre le racisme et les violences policières, Donald Trump Jr présente ainsi l'alternative pour les électeurs américains, au soir du 3 novembre : «L'église, le travail et l'école, contre les émeutes, les pillages et le vandalisme.»
«Election truquée»
Quelques heures plus tôt, Trump avait été officiellement investi candidat du Parti républicain pour l'élection de novembre. L'occasion, pour le Président, d'un long discours décousu, depuis Charlotte, et en public, dans lequel il a accusé les démocrates de vouloir «voler» le scrutin. Largement devancé par Biden dans les sondages nationaux, donné battu dans de nombreux swing states, Trump a agité sans preuves, comme il le fait depuis le début de l'été, le spectre de fraudes liées au vote par correspondance, rendu pourtant indispensable en temps de pandémie. «La seule façon dont [les démocrates] peuvent nous priver de la victoire est si l'élection est truquée […]. Ils utilisent le Covid pour voler l'élection», a-t-il affirmé.
La convention républicaine doit également être l'occasion, pour Trump, de défendre son bilan, alors qu'il est malmené pour sa gestion de la pandémie de Covid-19. Et où sa carte maîtresse, la bonne santé de l'économie, n'est plus un atout : le pays subit de plein fouet la récession économique, avec un chômage passé de 3,5% en février à 10,2% en juillet. Si les conventions cherchent traditionnellement à faire mousser leur candidat, une place est néanmoins laissée au parti lui-même, totalement inexistant ce lundi. Cette première journée a tourné au panégyrique de Trump, les orateurs s'adressant directement à lui, le remerciant ou racontant des anecdotes le concernant. Comme l'a noté lundi soir Chris Wallace, l'un des rares journalistes de la Fox à garder une distance critique avec le Président : «On l'appelle la convention républicaine, mais c'est la convention de Trump.»
Si certains républicains se sont désolidarisés du Président, voire ont appelé à voter pour son adversaire démocrate, il s'agit pour l'essentiel d'anciens élus ou responsables de précédentes administrations. Pendant tout le mandat de Trump, les républicains du Congrès, et surtout du Sénat, où ils ont la majorité, ont en effet suivi les politiques du président avec une loyauté sans faille. Le Grand Old Party mis en lumière à la convention est sans conteste le parti de Trump, poussant les observateurs à parler de «culte de la personnalité». Pour preuve : le Parti républicain a annoncé dimanche qu'il ne se donnait pas la peine de rédiger une nouvelle plateforme politique, et réaffirmait son soutien envers le programme de Trump adopté en 2016.
Son équipe de campagne a néanmoins publié dimanche soir, à la veille de la convention, un «programme» pour un second mandat de Trump, qui s'apparente plutôt à une liste au père Noël : «Créer 10 millions d'emplois en dix mois» ; «développer un vaccin [contre le Covid-19] d'ici la fin 2020», avec «un retour à la normale en 2021» ; «enseigner l'exceptionnalisme américain» ; «établir une présence humaine permanente sur la Lune et envoyer la première mission habitée sur Mars» ; «créer des partenariats avec d'autres nations pour nettoyer les océans de la planète»… Le 45e président des Etats-Unis acceptera officiellement, et pour la seconde fois, la nomination de son parti jeudi, lors d'un discours dans les jardins de la Maison Blanche.