Ala fin du printemps, on ne cessait d’alerter sur la fameuse «deuxième vague» prévue pour l’automne. Celle-ci est arrivée bien plus tôt et avec plus de force qu’on ne le pensait. Alors même que la rentrée des classes est entourée d’incertitude maximale, l’Espagne enregistre les pires statistiques européennes, seulement concurrencée par le Luxembourg.
En mars, le coronavirus avait frappé avec une virulence comparable à celle qui a touché l’Italie. Aujourd’hui, les cas de contagion quotidiens sont les plus nombreux - 6 000 contre seulement 400 début juillet. Le nombre d’hospitalisations augmente dangereusement : 1 407 jeudi, contre seulement 438 il y a un mois. Enfin, le rythme des décès dus au coronavirus croît davantage - dix fois plus qu’à la mi-juillet.
«La situation est grave, et notre réponse est très déficiente», a reconnu Fernando Simón, l'homme qui coordonne la réponse gouvernementale à la pandémie depuis son apparition. Dimanche, alors que le spectre d'un nouveau confinement se précise pour la rentrée, on apprenait que la Catalogne déplorait 125 contagions et 16 morts supplémentaires, tandis que se multiplient des fêtes nocturnes où le port du masque est absent. A Madrid, autre foyer important, 19 personnes sur 22 ont été infectées dans une réunion familiale, au lendemain d'une manifestation de ceux qui nient la réalité de la pandémie proches du parti d'extrême droite Vox.
Promiscuité
Que se passe-t-il en Espagne ? Pourquoi, alors même que le confinement a été scrupuleusement respecté de par l'immense majorité des Espagnols jusqu'à juin, le pays est-il aujourd'hui touché par un regain épidémique bien plus fort que dans les principales nations européennes ? Si le chef du gouvernement socialiste, Pedro Sánchez, ne pipe mot pour l'heure sur la question, dans l'attente d'une rentrée politique qui s'annonce incandescente, les experts se penchent, eux, sur la question. A leurs yeux, plusieurs facteurs expliquent l'«exception espagnole» : un déconfinement précipité, l'intrinsèque promiscuité des relations sociales et familiales. Facteur principal, la mauvaise gestion de la pandémie, illustrée par une faiblesse des ressources humaines et matérielles, le manque de «rastreadores» (les agents qui dépistent le virus) ou les graves problèmes de coordination entre le pouvoir central et les 17 régions qui jouissent toutes des compétences en matière de santé.
A lire aussiGouvernement : une rentrée en marche barrière
Beaucoup mettent en exergue les retards dans la détection de cas de contamination alors que, disent les spécialistes, il conviendrait d’agir bien plus en amont. Ainsi, fin juillet, on réalisait en Espagne 582 PCR pour 100 000 habitants, contre 680 en Allemagne et 1 378 au Royaume-Uni.
Loisirs
On observe aussi un relâchement parmi la jeune population, dans les discothèques ou autres lieux de loisirs nocturnes : 20 % des nouvelles contaminations concernent les moins de 20 ans. Selon l'épidémiologiste de l'hôpital madrilène Ramón y Cajal, Rafael Cantón, «si on ne parvient pas à réduire la voilure de cette deuxième vague, on risque d'entrer dans une transmission communautaire généralisée». Autrement dit, une pandémie totalement hors de contrôle.