Ode à «l'empathie» de Joe Biden, le candidat démocrate à la présidentielle de novembre, témoignages d'anonymes américains de tout le pays, hommage aux soignants, aux victimes du Covid et des violences policières, succession de discours de grandes figures du parti, louant l'ancien vice-président de Barack Obama, dézinguant l'actuel locataire de la Maison Blanche… Et même, quelques ex-élus républicains, prenant parti contre Donald Trump et appelant à voter pour son adversaire de novembre.
La convention démocrate a débuté lundi soir. Mais contrairement au format habituel de cette grand-messe politique qui se tient tous les quatre ans à l'issue des primaires et en amont du scrutin, ni délégués ni supporteurs applaudissent dans le public. Bousculée, comme toute la campagne présidentielle américaine, par la pandémie de Covid-19 qui a fait plus de 170 000 morts dans le pays, la convention du parti se déroule cette semaine entièrement en ligne. Donnant à cette première soirée des airs de longue publicité de campagne. «Une convention peu conventionnelle», l'a pudiquement qualifiée l'actrice et activiste Eva Longoria, maîtresse de cérémonie de ce premier volet.
Storytelling
Cette première soirée a surtout été l'occasion de faire le portrait de «Joe» en homme du peuple et d'expérience, pour ce vétéran de la politique âgé de 77 ans, qui fut, après une longue carrière de sénateur, le bras droit de Barack Obama pendant ses deux mandats. Le candidat démocrate, qui acceptera sa nomination lors d'un discours jeudi soir, a eu droit à des biographes de premier plan. De ses anciens adversaires des primaires, en passant par des gouverneurs mis en lumière, ces derniers mois, par leur gestion de la crise du coronavirus (Gretchen Whitmer, Andrew Cuomo), ou encore l'élu de Caroline du Sud Jim Clyburn, considéré comme le faiseur de rois de cette course à la nomination démocrate. Le soutien de cette figure noire des droits civiques à Biden, apporté à la veille de la primaire dans son Etat fin février, et la loyauté des électeurs afro-américains, ont été déterminants pour la victoire de l'ancien vice-président, qui peinait jusque-là à susciter l'enthousiasme.
A une semaine de son pendant républicain, la soirée a été l’occasion, pour plusieurs intervenants, d’évoquer la controverse autour de la poste américaine : les démocrates accusent Donald Trump de vouloir la détruire, afin d’entraver le vote par correspondance, et de chercher à délégitimer l’élection en cas de défaite. Au-delà des crises actuelles que subit l’Amérique - coronavirus, récession économique, vague historique de colère contre le racisme et les brutalités policières -, il fut très peu question de politique lors de cette première soirée de convention. Les près de 4 000 délégués élus tout au long des primaires doivent pourtant voter ce mardi pour la plateforme du parti. Le seul à parler de véritables engagements de programme a été Bernie Sanders. Le sénateur du Vermont a évoqué les engagements de Biden sur le changement climatique, l’assurance-santé, la fin des prisons privées ou encore l’augmentation du salaire minimum fédéral à 15 dollars de l’heure, réclamé depuis des années par la gauche du parti.
A lire aussi Primaires démocrates : Bernie Sanders jette l'éponge
Le soutien sans équivoque de Bernie Sanders
L’une des interventions les plus attendues de la soirée était d’ailleurs celle du grand rival de Biden lors des primaires démocrates. De l’aréopage des primaires, les deux candidats étaient les plus éloignés sur le plan idéologique, Sanders incarnant la frange la plus progressiste du parti ; Biden, la plus centriste. Mais contrairement à la convention de 2016, au cours de laquelle, lui avaient reproché ses détracteurs, Bernie Sanders n’avait apporté qu’un soutien tiède à Hillary Clinton, il a cette fois appelé sans équivoque ses soutiens à voter pour Joe Biden. Et mené la charge la plus féroce contre le président Donald Trump.
«Ensemble, nous avons fait bouger ce pays dans une direction nouvelle et audacieuse», s'est-il félicité. Référence à l'influence que lui et son «mouvement» ont eu ces dernières semaines sur la campagne de Biden, qui a adopté des positions plus progressistes que pendant les primaires. «Mais soyons clairs : si Donald Trump est réélu, tous les progrès que nous avons faits seront mis à mal», a-t-il averti, insistant sur la nécessité de «protéger cette nation», et décrivant l'élection de novembre comme «la plus importante de l'histoire moderne de notre pays».
«Ce président n'est pas seulement une menace pour notre démocratie : en rejetant la science il a mis en danger nos vies et notre santé», a insisté Sanders, dénonçant un Trump menant «le pays sur le chemin de l'autoritarisme» et «incapable de répondre aux crises», notamment celle du coronavirus : «Néron jouait du violon pendant que Rome brûlait. Trump golfe.» Le sénateur progressiste a reconnu avoir des «désaccords avec Joe», notamment sur la question de la réforme de l'assurance-santé. Mais «le prix de l'échec est simplement trop élevé», a-t-il conclu.
«Manque total d’empathie»
Autre tête d'affiche, l'ex-first lady Michelle Obama qui concluait la soirée s'est elle aussi livrée à un réquisitoire anti-Trump, aussi grave que passionné. «Si vous pensez que les choses ne peuvent pas être pires, croyez-moi : elles le peuvent. Et elles le seront si nous n'apportons pas le changement lors de cette élection», a-t-elle martelé, affirmant qu'élire Joe Biden était la seule façon de «mettre fin au chaos».
«Donald Trump n'est pas le bon président pour notre pays», a-t-elle ajouté, dans une allocution vidéo de près de vingt minutes. «A chaque fois que nous nous tournons vers la Maison Blanche pour une direction, ou du réconfort, ou un semblant de stabilité, ce que nous recevons à la place c'est du chaos, de la division et un manque complet et total d'empathie», a-t-elle déclaré. Michelle Obama a appelé les Américains à voter le 3 novembre, quitte à attendre «toute la nuit» s'il le fallait.
«Nous vivons dans un pays profondément divisé, et je suis une femme noire, qui parle à la convention démocrate», a insisté l'ancienne avocate de Chicago, disant s'attendre à ce que son message ne soit pas entendu par tous. «Je sais que Joe n'est pas parfait. Et il serait le premier à vous le dire, a-t-elle reconnu. Mais il sait ce qu'il faut faire pour sauver une économie, vaincre une pandémie et montrer la voie à notre pays.»