Un palier supplémentaire a été franchi dans la crise qui déchire le Mali depuis juin. Le président malien, Ibrahim Boubacar Keïta, et son Premier ministre, Boubou Cissé, ont été «arrêtés» ce mardi en fin d'après-midi à Bamako par des militaires en révolte, affirme un des chefs de la mutinerie.
En quelques heures, la mutinerie qui a éclaté dans la matinée dans la garnison de Kati s'est muée en tentative de coup d'Etat, condamnée par la communauté internationale, et notamment la France, qui a déployé 5.100 militaires au Sahel, et notamment au Mali, dans le cadre de l'opération antijihadiste Barkhane. «Nous pouvons vous dire que le président et le Premier ministres sont sous notre contrôle. Nous les avons arrêtés chez lui» (au domicile du chef de l'Etat à Bamako), a déclaré à l'AFP un des chefs de la mutinerie, qui a requis l'anonymat.
Des propos confirmés par le directeur de la communication du chef du gouvernement malien, Boubou Doucouré: le président et le Premier ministre «ont été conduits par les militaires révoltés dans des véhicules blindés à Kati», où se trouve le camp Soundiata Keïta, à une quinzaine de kilomètres de Bamako.
Les mutins ont ensuite pris le contrôle du camp et des rues adjacentes, avant de se diriger en convoi vers le centre de la capitale. Dans Bamako, ils ont été acclamés par des manifestants rassemblés pour réclamer le départ du chef de l’Etat aux abord de la place de l’Indépendance, épicentre de la contestation qui ébranle le Mali depuis plusieurs mois, avant de se diriger vers la résidence du président Keïta, selon la même source.
L'UE et la Cédéao condamnent les arrestations
Le président de la Commission de l'Union africaine (UA), Moussa Faki Mahamat, a condamné «énergiquement» l'arrestation mardi du président malien, Ibrahim Boubacar Keïta, par des militaires en révolte. «Je condamne énergiquement l'arrestation du président Ibrahim Boubacar Keïta, (du) Premier Ministre (Boubou Cissé) et (d')autres membres du gouvernement malien et appelle à leur libération immédiate», a déclaré Moussa Faki sur son compte Twitter.
Idem pour l'Union Européenne, qui «condamne la tentative de coup d'Etat en cours au Mali et rejette tout changement anti-constitutionnel. Ceci ne peut en aucun cas être une réponse à la profonde crise socio-politique qui frappe le Mali depuis plusieurs mois», par la voix de son chef de la diplomatie Josep Borrell, dans un communiqué publié par ses services.
1/3:Je condamne énergiquement l'arrestation du President Ibrahim Boubacar Keita, le Premier Ministre et autres membres du Gouvernement maliens et appelle à leur libération immédiate. #Mali
— Moussa Faki Mahamat (@AUC_MoussaFaki) August 18, 2020
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Les Etats d'Afrique de l'Ouest ont dénoncé une «mutinerie» en cours à Bamako et appelé les militaires maliens à «regagner sans délai leurs casernes». La Communauté des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) «rappelle sa ferme opposition à tout changement politique anticonstitutionnel et invite les militaires à demeurer dans une posture républicaine», a-t-elle indiqué dans un communiqué. Avant d'ajouter : «En tout état de cause, elle condamne vigoureusement la tentative en cours et prendra toutes les mesures et actions nécessaires à la restauration de l'ordre constitutionnel.»
Emmanuel Macron s'est entretenu de la crise qui s'est déclenchée au Mali avec Ibrahim Boubacar Keïta et ses homologues nigérien Mahamadou Issoufou, ivoirien Alassane Ouattara et sénégalais Macky Sall, et a exprimé «son plein soutien aux efforts de médiation en cours de la Cédéao», a indiqué mardi l'Elysée. Le chef de l'Etat «suit attentivement la situation et condamne la tentative de mutinerie en cours», a ajouté la présidence.
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Les Etats-Unis s'opposent eux aussi à tout changement de gouvernement en dehors du cadre légal, y compris par l'armée, a par ailleurs indiqué l'émissaire américain pour le Sahel, Peter Pham. «Nous suivons avec inquiétude l'évolution de la situation aujourd'hui au #Mali. Les #USA s'opposent à tout changement extra-constitutionnel de gouvernement, que ce soit par ceux qui sont dans la rue ou par les forces de défense et de sécurité», a déclaré Peter Pham sur Twitter.
Cette mutinerie et ces arrestations surviennent alors que le Mali est confronté depuis juin à une grave crise socio-politique. Le mouvement d’opposition dit du 5 Juin, qui réclame le départ du président Ibrahim Boubacar Keïta, a annoncé lundi son intention de tenir cette semaine de nouvelles manifestations.