Sakina devait sortir de la maternité le 12 mai, à 11 heures. Sa fille Zara, son sixième enfant, était née deux jours plus tôt. L'accouchement avait été long et Zara avait souffert de problèmes respiratoires. Mais elle se portait mieux. Dans la nuit du 11 au 12 mai, vers 3 heures du matin, Sakina a appelé son mari : «Viens nous chercher tout à l'heure, ils nous laissent rentrer à la maison, le bébé va bien.» Mohamed Amin était là, dès l'aube, devant l'entrée de la maternité de Médecins sans frontières (MSF) à Dasht-e-Barchi, quartier pauvre de l'ouest de Kaboul. Il a attendu dehors, les hommes ne sont pas admis dans les maternités afghanes. A 9 h 50, il a entendu les premiers coups de feu. Il s'est précipité, mais des policiers l'ont empêché d'entrer. Les tirs ont redoublé, des explosions ont retenti. Il a appelé sa femme des dizaines de fois. Elle n'a jamais répondu. Dans l'après-midi, il a erré d'hôpital en hôpital, priant qu'elle ne soit que blessée. Il a fini dans celui où avaient été déposés les morts. Sakina était là, yeux ouverts, une oreille ensanglantée et un trou à l'arrière du crâne, tuée d'une balle dans la tête. Zara, sa fille, était indemne.
Depuis, Amin reste seul, prostré dans son salon aux murs de béton sale à Bagh Qazi, à l’extrémité de Dasht-e-Barchi, où vivent un million de Hazaras, ethnie minoritaire chiite. Sa maison est adossée à une montagne sèche. Derrière se déploie la dangereuse et talibane province du Logar. Devant, depuis la fenêtre du sal