«Macron, président !»… du Liban, ou plutôt des Libanais. C'est «le vœu lancé spontanément», selon elle, par une jeune femme qui s'est jetée dans les bras du chef de l'Etat français dans le quartier de Gemmayzé, à proximité du port sinistré de Beyrouth, où Macron a pris un bain de foule, ce qu'aucun dirigeant libanais n'oserait tenter aujourd'hui. D'ailleurs, la ministre libanaise de la Justice a dû fuir le secteur sous les insultes de la foule.
Peu avant, voyant se déployer la garde républicaine dans leurs rues, les habitants avaient commencé par chasser ces hommes, pensant que le Président, Michel Aoun, était à l'approche avec son homologue français. Mais ce dernier a pu échanger seul avec des gens qui l'ont assailli de demandes de ne surtout pas collaborer avec leurs dirigeants «pourris» et même de les aider à s'en débarrasser. Répondant à l'appel de la population libanaise, Macron a affirmé qu'il allait proposer «un nouveau pacte politique» et demander à ses interlocuteurs officiels de «changer le système, d'arrêter la division et de lutter contre la corruption». Il s'est empressé de préciser que «tout sera fait» pour que l'aide apportée par la France après l'explosion de mardi, qui a ravagé nombre de quartiers de la capitale et tué plus de 140 personnes, «n'aille pas dans les mains de la corruption». Signe de défiance, la France et l'UE prévoient de distribuer leur aide essentiellement via des ONG libanaises.
Dans une lettre ouverte au président Macron, le Bloc national, groupe qui avait participé au soulèvement populaire d'octobre, avait d'ailleurs demandé que l'aide internationale soit distribuée «par les organisations de la société civile dont certaines ont démontré, contrairement aux institutions de l'Etat, leur transparence et leur efficacité». Plusieurs éminents représentants de cette société civile, médecins, universitaires, intellectuels et responsables d'ONG, ont également été invités à rencontrer Macron jeudi après-midi, à la résidence de l'ambassadeur de France.
Incontournables, les entretiens du Français avec les principaux responsables libanais - président de la République, celui du Parlement et chef du gouvernement - ont été, selon Macron, menés «avec une grande franchise et transparence», termes diplomatiques habituels pour évoquer des échanges tendus. Car c'est au «peuple libanais» que le président français est venu apporter la solidarité de son pays, a-t-il martelé, avant d'annoncer «une conférence internationale d'appui à Beyrouth et à la population». Et de donner rendez-vous le 1er septembre aux Libanais pour revenir sur place veiller à la mise en œuvre de l'aide. L'ironie de la situation est pointée par la journaliste Dima Sadek sur Twitter : «Signe d'un vide de gouvernance et de l'échec du système, Macron, chef d'un Etat dont le Liban s'est libéré il y a soixante-dix ans, vient faire des promesses au peuple libanais sans cacher sa satisfaction.»