«Macron, président»… du Liban. Ou plutôt des Libanais. C'est «le vœu lancé spontanément» selon elle, par une jeune femme qui s'est jetée dans les bras du chef de l'Etat français dans le quartier de Gemmayzé à proximité du port sinistré où le chef de l'Etat français a fait un bain de foule qu'aucun dirigeant libanais n'oserait tenter aujourd'hui. D'ailleurs, la ministre libanaise de la Justice a dû fuir le secteur, sous les insultes. Peu avant, voyant se déployer la garde républicaine libanaise dans leurs rues, les habitants avaient commencé par chasser ses hommes pensant que leur président, Michel Aoun, était à l'approche avec Emmanuel Macron. Mais ce dernier a pu échanger seul, avec des gens qui l'ont assailli de demandes de ne surtout pas collaborer avec leurs dirigeants «pourris» et même de les aider à s'en débarrasser.
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Répondant à l'appel de la population libanaise comme aucun chef d'Etat étranger ne pourrait le faire ailleurs, Macron a affirmé qu'il allait proposer «un nouveau pacte politique» et demander à ses interlocuteurs officiels de «changer le système, d'arrêter la division et de lutter contre la corruption». Il s'est empressé de préciser que «tout sera fait» pour que l'aide apportée par la France après l'explosion de mardi qui a ravagé le port de Beyrouth et nombre de quartiers environnants «n'aille pas dans les mains de la corruption». C'est en effet essentiellement à travers les organisations civiles et non-gouvernementales libanaises que l'aide de la France et de l'Union européenne est prévue.
«Grande franchise»
Dans une lettre ouverte à Emmanuel Macron, le Bloc national, groupe qui avait participé au soulèvement populaire d'octobre, a demandé que l'aide internationale aux victimes soit distribuée «par les organisations de la société civile dont certaines ont démontré, contrairement aux institutions de l'Etat, leur transparence et leur efficacité». Plusieurs éminents représentants de cette société civile, médecins, universitaires, intellectuels et responsables d'ONG, ont été invités à une rencontre avec le président français jeudi après-midi, à la résidence de l'ambassadeur de France à Beyrouth.
Incontournables, les entretiens d'Emmanuel Macron avec les principaux responsables libanais, président de la République, du Parlement et chef du gouvernement, ont été selon lui menés «avec une grande franchise et transparence», termes diplomatiques habituels pour évoquer des échanges tendus. Car c'est encore une fois au «peuple libanais» que le chef de l'Etat français est venu apporter la solidarité de la France, a-t-il insisté à plusieurs reprises dans la journée. «Une conférence internationale d'appui à Beyrouth et à la population libanaise» a également été annoncée par Macron devant la presse, pour mobiliser l'aide internationale qui sera «acheminée directement aux populations». Il a donné rendez-vous le 1er septembre aux Libanais pour revenir sur place veiller à la mise en œuvre de l'aide.
L'ironie de la situation est pointée par la journaliste libanaise Dima Sadek sur Twitter : «Signe d'un vide de gouvernance et l'échec du système, Macron, chef d'un Etat dont le Liban s'est libéré il y a soixante-dix ans, vient faire des promesses au peuple libanais sans cacher sa satisfaction.»