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Oppression

Hold-up électoral sur Hongkong

Douze candidats de l'opposition aux législatives, dont le charismatique Joshua Wong, ont été disqualifiés par le pouvoir local.
Joshua Wong, l'un des candidats disqualifiés par le pouvoir local, le 11 juillet à Hongkong. (Vincent Yu/Phoot Vincent Yu. AP)
publié le 30 juillet 2020 à 17h06

Visages fermés et tenues sombres, leurs portraits circulent depuis plusieurs semaines dans Hongkong, placardés sur des minibus et flanqués du slogan «Combattons». Beaucoup ont en commun leur jeunesse et leur souhait de ravir la majorité lors des élections législatives de septembre, portés par la contestation massive lancée dans le territoire semi-autonome chinois en 2019. Mais les autorités en ont disqualifié douze d'entre eux jeudi, des têtes de gondole dont le charismatique Joshua Wong, sur la base de leurs «intentions» ou de positions passées. La «pire excuse», selon l'opposition, pour «faire taire les voix dissidentes» et confisquer ce qu'il reste de démocratie dans l'ancienne colonie britannique.

«Le 30 juin, quand la loi de sécurité nationale est passée, j'ai dit que le principe "Un pays, deux systèmes" était terminé. Nous voyons aujourd'hui le résultat de l'oppression que le régime commence à exercer», a commenté devant la presse Dennis Kwok, l'un des candidats désignés lors des primaires mi-juillet auxquelles ont participé plus de 600 000 électeurs et qui a été disqualifié ce jeudi. Le gouvernement central chinois «retire non seulement les droits et libertés promis dans la loi fondamentale et la déclaration commune sino-britannique et dont tous les Hongkongais jouissaient, mais tente aussi d'introduire la peur et l'oppression dans les cœurs», déplore le député sortant. La veille, quatre figures du mouvement syndical étudiant avaient été interpellées pour «incitation à la sécession» sur la base notamment de posts sur Facebook relatifs à l'indépendance. Agés de 16 à 21 ans, ils risquent la prison à vie, selon la nouvelle législation imposée par Pékin.

Examen de conscience

Comme les autres candidats disqualifiés, cet avocat avait dû, une fois sa candidature déposée, clarifier ses positions politiques, même celles antérieures à la promulgation de la loi criminalisant la «subversion» et la «sécession». L'agent chargé de mener cet examen de conscience s'est appuyé sur des déclarations du Parti civique, dont est membre Dennis Kwok. «Le parti assurait en mars qu'une fois la majorité sécurisée au Parlement local, il voudrait rejeter sans discrimination toute proposition de loi, nominations et budget introduits par le gouvernement de Hongkong, avec l'idée de forcer le gouvernement à accéder à ses demandes», relève l'agent. Le candidat n'ayant pas pris ses distances avec le parti, «il n'a simplement aucune intention de respecter fidèlement son rôle et ses devoirs au LegCo [le Parlement local, ndlr]», en conclut l'agent et «il n'a donc pas de réelle intention de soutenir la loi fondamentale».

Les mêmes arguments sont repris dans les 18 pages de justifications nécessaires pour évincer Joshua Wong, figure de la jeune garde révélée lors du mouvement des parapluies de 2014. Dans la longue liste de griefs figurent des déclarations «pas crédibles» et les appels à l'autodétermination lancés par son parti Demosisto (dissous quelques heures avant l'entrée en vigueur de la loi de sécurité nationale). Il lui est en outre reproché d'avoir qualifié de «draconienne» et «démoniaque» la loi rédigée par Pékin et d'avoir mentionné sur Facebook son intention de poursuivre «le front international», soit, selon les autorités, un plaidoyer pour l'intervention de gouvernements étrangers criminalisés par la nouvelle législation.

«Délinquants sans scrupule»

«C'est la plus grande répression de Pékin sur les élections de la ville», a réagi Joshua Wong alors que Human Rights Watch évoque une situation kafkaïenne et qu'Amnesty International dénonce des disqualifications «arbitraires étant donné que la propre justification des autorités indique clairement leur intention de punir les critiques pacifiques et la défense d'opinions opposées». Dans ce concert de critiques, le bureau de liaison de Pékin à Hongkong a, quant à lui, félicité les autorités locales pour avoir disqualifié ces «délinquants sans scrupule» dont les opinions «dépassent les limites légales».

Ce hold-up électoral n'est pas une première. En 2016 déjà, six candidats avaient été exclus de la course aux législatives, dont Andy Cha Ho-tin, partisan de l'indépendance. Les autorités avaient alors introduit l'obligation pour les candidats restants de prêter allégeance à la loi fondamentale et de reconnaître ainsi que Hongkong est une partie inaliénable de la République populaire de Chine. Le scrutin passé, Pékin, qui a fait de la revendication de l'indépendance sa ligne rouge, avait obtenu la disqualification de six députés de l'opposition fraîchement élus, dont deux «soldats des parapluies» indépendantistes, au motif notamment que leur prestation de serment «n'était pas sincère».

«Manière ouverte, honnête et équitable»

Quatre ans plus tard, le pouvoir de Hongkong se sait menacé dans les urnes. Pour la première fois depuis la rétrocession en 1997, l'opposition a la capacité de remporter la majorité des sièges au Parlement local, dopée par son écrasant succès lors des élections locales de novembre. Les autorités assurent jeudi qu'il «n'est pas question de censure politique, de restriction de la liberté d'expression ou de privation du droit de se présenter à des élections» mais de «garantir» que les élections de septembre se déroulent de «manière ouverte, honnête et équitable». Et précisent aussi qu'elles «n'excluent pas que d'autres nominations soient invalidées». Dans le même temps plane la rumeur que les élections soient reportées d'un an sous prétexte de Covid-19, de quoi mettre sous surveillance les opposants dans l'intervalle.