Bouton Lire dans l'app Lire dans l'app
La lutte continue

Covid-19 : l'Allemagne craint de perdre le contrôle face à une reprise de l'épidémie

Constatant une multiplication de nouveaux foyers infectieux, les autorités sanitaires rendront les tests de dépistage obligatoires à partir de la semaine prochaine pour les vacanciers de retour de «pays à risque».
Un passager attend pour se faire tester au nouveau coronavirus dans l'aéroport de Berlin Tegel, mercredi. (TOBIAS SCHWARZ/Photo Tobias Schwarz. AFP)
publié le 29 juillet 2020 à 11h19

Les Allemands indisciplinés ? Si l'on en croit les virologues et les responsables politiques, il y a en tous les cas un gros relâchement outre-Rhin dans les gestes barrières. Alors que l'Allemagne avait fait preuve de modèle dans la gestion de la crise, la multiplication des infractions aux règles sanitaires risque désormais de ruiner sa réputation de «première de la classe».

«Les gens ne respectent plus les règles», a déploré mardi Lothar Wieler, le directeur de l'Institut de veille sanitaire Robert-Koch-Institut (RKI), qui s'est alarmé d'une situation «très préoccupante». Fêtes privées et bars transformés en boîtes de nuit «spontanées» pourraient être à l'origine d'une nouvelle poussée infectieuse qui inquiète les autorités sanitaires. Ce week-end, la police a dispersé 3 000 personnes qui faisaient la fête dans un parc à Berlin. «La deuxième vague est là», s'est alarmé le ministre-président de Saxe, Michael Kretschmer.

«Nous prenons le risque de perdre le contrôle du virus», a prévenu Lothar Wieler sans toutefois parler de «deuxième vague». Alors que la tendance était à la baisse, le nombre des infections a grimpé de nouveau d'une manière significative ces derniers jours (550 cas par jour alors que la moyenne était autour de 350 à la mi-juillet).

Cas éparpillés

La situation est d'autant plus inquiétante qu'il ne s'agit plus de cluster (abattoirs, foyers de travailleurs saisonniers, fermes maraîchères, etc.) mais de cas éparpillés sur tout le territoire. «Le nombre d'arrondissements sans nouvelles infections sur une période de sept jours est passé de 150 à 95», déplore le RKI.

Berlin conseille donc fortement de rester en Allemagne pour ses vacances. Un conseil suivi par la chancelière elle-même qui a renoncé à ses traditionnelles randonnées dans le Tyrol italien cette année. La perspective d'une deuxième vague mobilise tous les ministères de son gouvernement. Aux Affaires étrangères, on déconseille de se rendre dans certaines régions d'Espagne, dont la Catalogne et sa capitale Barcelone, mais aussi les plages de la Costa Brava, en raison d'une poussée infectieuse.

A la Santé, on met en place un système de test obligatoire pour les vacanciers de retour d'une «zone à risque», c'est-à-dire principalement hors de l'Union européenne. Le décret entrera en vigueur dès la semaine prochaine et ne concernera pas seulement les aéroports. Une nouvelle fermeture des frontières, notamment avec la France, a été exclue par le ministre de l'Intérieur. «Une réintroduction des contrôles ne me paraît pas imaginable», a déclaré Horst Seehofer.

«Je crains un grand cafouillage»

La Bavière, puissante région dirigée par le conservateur Markus Söder (actuellement favori pour remplacer Merkel à la chancellerie), a déjà anticipé la mesure en mettant en place des tests facultatifs aux frontières avec l'Autriche et dans les grandes gares internationales de la région. L'offre gratuite fonctionne aux aéroports de Munich et de Nuremberg où plus de 1 500 personnes ont accepté de se faire tester gratuitement. «Le virus revient lentement, mais avec force», a prévenu Markus Söder.

Les médecins doutent néanmoins de l'efficacité de cette mesure en rappelant que la période d'incubation peut atteindre jusqu'à deux semaines. «Un test à l'arrivée n'est donc pas fiable», prévient Helmut Fickenscher, virologue à l'hôpital de Kiel. «C'est une démarche qui peut être trompeuse», acquiesce la ministre-présidente du Mecklembourg, Manuela Schwesig, qui cite plusieurs cas de personnes infectées et testées négatif à leur arrivée en Allemagne. Un projet pilote dans la circonscription de cette région, à Rendsburg-Eckernförde, devrait permettre d'en savoir plus sur l'efficacité de ces «tests d'entrée». Les autorités sanitaires proposent aux personnes de retour d'une région à risque de se faire tester gratuitement cinq et dix jours après leur arrivée.

Le spectre de la «deuxième vague» inquiète surtout les milieux enseignants alors que la rentrée scolaire a lieu dès lundi dans certaines régions. La Fédération des enseignants ne croit déjà plus à une reprise normale des cours. Les Länder (l'Education est une prérogative des régions) s'étaient mis d'accord avant l'été pour une reprise sans distanciation sociale «à la seule condition que les infections ne remontent pas». «Je crains un grand cafouillage», a lâché le président du syndicats de professeurs Deutscher Lehrerverband, Heinz-Peter Meidinger. Par ailleurs, les écoles risquent d'avoir une pénurie de main-d'œuvre, avec près de 20% du corps enseignant appartenant aux groupes à risque.