Un deuxième Français est désormais visé par une enquête de la justice française pour crimes contre l’humanité et le plus grave d’entre eux, le crime de génocide. Le 10 juillet, le parquet national antiterroriste (PNAT), qui comprend un pôle spécialisé dans les crimes contre l’humanité, a ouvert une information judiciaire contre Nabil G., un Français de l’EI, en raison des exactions qu’il est soupçonné d’avoir commis contre la minorité yézidie en Syrie. Entre 2 000 et 5 000 membres de cette communauté ont été assassinés par les jihadistes, selon les Nations unies, et environ 6 000 autres ont été asservis, principalement des enfants et des femmes, ces dernières subissant en outre des crimes sexuels.
Selon nos informations, l’homme a été reconnu par l’une de ses victimes, résidant désormais à l’étranger. Elle a pu être entendue par les enquêteurs français qui travaillent depuis 2017 sur les crimes contre l’humanité commis par l’organisation terroriste, notamment contre les Yézidis. En février 2017, la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), en collaboration avec des organisations syriennes et irakiennes, était parvenue à rassembler les témoignages de douze femmes incriminant des jihadistes français ou francophones, et les avait portés à la connaissance de la justice.
«Une grande avancée»
Une partie de ces témoignages était citée dans un rapport de la FIDH et de l'organisation kurde irakienne Kinyat, rendu public en octobre 2018. L'une d'elles décrivait par exemple le «marché» où elle avait été vendue à un jihadiste tunisien, et plusieurs expliquaient pourquoi elles soupçonnaient leur ravisseur d'être français : des indiscrétions entendues, des photos de famille prises en France, etc.
«Ces femmes ont une grande volonté de participer à ces procédures dont elles comprennent le sens et l'utilité. Il leur faut beaucoup de courage pour aller jusqu'au bout de leur témoignage en se constituant partie civile, en donnant leur identité et acceptant donc d'aller un jour devant une cour d'assises», indique Clémence Bectarte. L'avocate de la FIDH se félicite de l'ouverture de cette nouvelle enquête, «une grande avancée» : «La FIDH et ses organisations membres en Irak et en Syrie militent depuis très longtemps pour que les crimes commis par Daech contre les civils, et pas seulement contre les minorités, soient poursuivis sous l'angle des crimes contre l'humanité, qui racontent une autre histoire et comprennent les crimes sexuels dont on parle peu lorsqu'on reste sur des qualifications terroristes.»
Nabil G., qui aurait une trentaine d'années, n'était pas un cadre connu de l'organisation, contrairement à l'autre Français recherché pour génocide, Sabri Essid. Ce vétéran du jihad irakien appartenant à l'entourage proche de Mohammed Merah fait l'objet depuis février d'un mandat d'arrêt pour génocide et crime contre l'humanité, pour les exactions contre des femmes yézidies. Il est présumé mort, mais en l'absence de certitude, la justice n'abandonne pas les poursuites.