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Saison des pluies

Inondations en Chine : panique autour du fleuve Yangtsé

Depuis plus d’un mois, des pluies torrentielles s’abattent sur la Chine, causant de nombreux dégâts dans le centre et le sud du pays et mettant en danger près de 20 millions d’habitants.
Vannes ouvertes au barrage des Trois Gorges dans la province de Hubei le 19 juillet (STR/Photo STR. AFP)
publié le 28 juillet 2020 à 17h20

De la boue, et de l'eau. Voilà désormais le quotidien des habitants de la ville d'Enshi (Hubei), et du comté qu'elle chapeaute, Jiangshi. Dans cette région du centre-est de la Chine, la saison des pluies, en avance cette année, est une véritable calamité. Les fortes précipitations ont fait déborder la capricieuse rivière Qingjiang, et l'eau a parcouru les rues, emportant voitures, lampadaires, citernes… La marée s'est déversée jusque dans les maisons, obligeant les habitants à se réfugier dans les étages supérieurs. Sur les dix derniers jours les autorités ont secouru 800 personnes et mobilisé des abris d'urgence pour 60 000 habitants. Les éléments s'acharnent sur la ville-district : elle avait déjà dû être partiellement évacuée après un glissement de terrain, le 22 juillet. Ce week-end, les habitants ont profité d'une brève accalmie pour nettoyer les maisons et les rues, recouvertes de boue et jonchées de déchets. La rivière a retrouvé son lit temporairement.

Une vue aérienne sur un quartier résidentiel à Jiujiang dans la province de Jiangshi le 18 juillet 2020Un quartier résidentiel à Jiujiang, dans la province de Jiangshi, le 18 juillet. Photo Hector Retamal. AFP

La province du Hubei et celle de Anhui (sud-est de la Chine) sont toutes deux particulièrement affectées par la saison des pluies spectaculaire qui sévit dans la région. Près de 16 000 habitants de la ville de Guzhen auraient été évacués, selon la chaîne de télévision chinoise CGTN. Dans la ville de Chuzhou, les autorités ont pris une décision radicale : faire sauter le barrage situé au-dessus de la rivière Chu, un affluent du Yangtsé, le plus long fleuve d'Asie. Deux trous ont été percés dans le mur du barrage pour que l'eau s'écoule plus rapidement dans les bassins de stockage, évitant ainsi une nouvelle inondation. La ville de Wuhan, déjà fragilisée par l'épidémie de Covid-19, est également menacée car coincée entre deux lacs. Chaque jour, des patrouilles citoyennes sont organisées afin de protéger les 11 millions d'habitants de la métropole.

Les barrages du Yangtsé vont-ils tenir ?

Une question inquiète le public et les officiels chinois depuis mi-juin : la solidité des nombreux barrages hydroélectriques situés sur le Yangtsé et ses affluents. Parmi ceux-ci, le barrage des Trois Gorges est de toute évidence le plus préoccupant. Mis en service en 2009, ce dernier est une véritable vitrine du savoir-faire chinois. Mais ces jours-ci, la hauteur du fleuve a atteint les 149 mètres, soit quatre mètres au-dessus du seuil d'alerte. La Three Gorges Corporation, l'entreprise chargée d'opérer le barrage, a reconnu la présence de «légères déformations» et d'infiltrations dans les murs. Les exploitants se veulent rassurants et assurent que le barrage est «capable de retenir 175 mètres d'eau», une hauteur qui ne sera probablement pas atteinte cet été.

Vannes ouvertes au barrage des Trois Gorges dans la province de Hubei le 19 juilletVannes ouvertes au barrage des Trois Gorges, dans la province de Hubei, le 19 juillet. Photo STR. AFP

Les autorités chinoises ont tout de même ordonné l'ouverture des vannes anti-crues, afin de relâcher d'énormes quantités d'eau. Une décision qui a nécessité l'évacuation de 40 000 personnes qui vivent en aval des Trois Gorges. Malgré son impact sur les populations locales, ce système anti-crues est indispensable. En effet, si la structure venait à rompre, la gigantesque quantité d'eau retenue par le barrage ne manquerait pas d'engloutir une partie de la ville de Wuhan et toutes les villes qui la précèdent. Florence Padovani, une spécialiste française des Trois Gorges et de ses environs, se veut rassurante : «C'est normal qu'il y ait des déformations qui apparaissent. Ce n'est pas forcément dramatique, le barrage ne va pas pour autant s'effondrer.»

Inquiétude sur les barrages environnants

Les ingénieurs locaux restent néanmoins vigilants. Il faut, par exemple, faire attention à ce que la boue des glissements de terrain à proximité du bassin n'obstrue pas le passage de l'eau. De même, les nombreux barrages environnants, situés sur les affluents du Yangtsé, restent un sujet d'inquiétude selon Padovani : «Ces petits barrages, qui sont construits de façon assez anarchique par les districts, ne sont pas contrôlés par les autorités centrales. Le gouvernement lui-même ne sait pas combien il y en a.» La solidité de ces barrages, pour la plupart mis en fonctionnement après la grande crue de 1998, n'a pas encore été éprouvée.

Selon le gouvernement chinois, le bilan provisoire des inondations est de 150 morts ou portés disparus, et de 2 millions de personnes déplacées. Les dommages matériels sont estimés entre 12 et 16 milliards de dollars. Ce bilan risque encore de s'alourdir, car l'épisode météorologique n'a pas touché à sa fin. Le ministère des Finances a annoncé mercredi dernier mettre en place un dispositif d'urgence de 118 millions de dollars pour aider les provinces concernées à se reconstruire et à reprendre leur production agricole. Cette saison des pluies serait la plus intense depuis celle de 1998, qui avait fait près de 3 500 morts et laissé 15 millions d'habitants sans foyer.