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Récit

A Barcelone, un tueur en série dans la nuit confinée

Trois SDF ont été assassinés en onze jours dans la capitale catalane pendant qu'ils dormaient dans la rue. Un suspect, sans abri lui aussi, a été arrêté mardi.
Dans les rues déserts de Barcelone, le 20 mars. (Emilio Morenatti/Photo Emilio Morenatti. AP)
publié le 29 avril 2020 à 14h30
(mis à jour le 29 avril 2020 à 16h30)

Pendant le mois d’avril, un tueur en série a pris pour cibles les sans domicile dormant dans les rues désertes du centre de Barcelone, profitant de la nuit et du confinement très strict imposé par les autorités espagnoles en raison du coronavirus. Mardi, les Mossos d’Esquadra, la police régionale de Catalogne, ont annoncé l’arrestation d’un homme suspecté de la mort de trois hommes, et peut-être d’un quatrième.

Le 16 puis le 18 avril, deux homicides sont commis à quelques rues de distance dans le quartier de l’Eixample, le centre haussmannien et cossu de la capitale catalane. Pour les enquêteurs, l’existence d’un unique assassin ne fait pas de doute : même profil des victimes, des indigents endormis sur le trottoir, et même modus operandi, des coups violents portés à la tête par un objet contondant, de type barre de fer. En outre, les images de vidéosurveillance montrent dans les deux cas une même silhouette vêtue d’un sweat-shirt à capuche.

Pendant que l'attention de la population est accaparée par la querelle entre le gouvernement régional catalan et le pouvoir central à Madrid sur les mesures sanitaires, une course contre la montre s'enclenche pour tenter d'éviter de nouveaux morts. Des rondes de surveillance se mettent en place, avec une trentaine de policiers en civil qui sillonnent l'Eixample dès la nuit tombée. Il est conseillé aux sans-abri de se rendre dans les hôtels réquisitionnés pour les accueillir pendant la pandémie, ou à défaut de se regrouper pour passer la nuit.

Pieds, bus et caravane

Lundi soir, le numéro d’urgence de la police reçoit à 23 heures l’appel paniqué d’un habitant qui dit avoir assisté de sa fenêtre à une violente agression, près de l’église de la Sagrada Família. Le signalement de l’agresseur correspond à celui des précédentes attaques. Une équipe repère un suspect et le prend en filature. Pendant plus de deux heures, un parcours erratique, à pied puis en bus, mène les limiers vers une ville de la périphérie, Sant Cugat del Vallés. L’homme est interpellé à 1 h 30 du matin devant la caravane qui lui sert de domicile.

Le lendemain, l'histoire est révélée lors d'une conférence de presse par l'inspecteur chargé de l'enquête, Joan Carles Granja. «La façon d'agir de cette personne ne permettait pas à la victime de se défendre. La violence était démesurée et gratuite», décrit-il.

Le suspect, un Brésilien de 35 ans dont la famille vivrait au Portugal, avait déjà été arrêté pour vol à Saragosse, mais son casier judiciaire ne mentionne pas d'actes violents. «Il a un discours peu cohérent, nous n'écartons pas le fait qu'il ait des problèmes mentaux», a ajouté le policier.

Les témoignages des habitants de Sant Cugat qui l'ont côtoyé, recueillis par le quotidien El Pais, dessinent l'itinéraire d'un routard psychologiquement fragile mais «pacifique», fouillant les poubelles en quête de nourriture, coupable au pire de menus larcins. Arrivé en stop en Catalogne au mois d'août, il aurait été hébergé à droite et à gauche avant d'occuper une caravane garée devant un jardin public.

La police cherche désormais à déterminer la présence ou non du suspect le 19 mars lors d’un précédent assassinat dans le centre de Barcelone, cette fois-ci à l’arme blanche, lors d’une rixe entre personnes sans abri.