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Bhasan Char

Rohingyas au Bangladesh, la quadrature de l’île

Plus de six mille réfugiés ont déjà été transféré dans la ville nouvelle construite dans la baie du Bengale. Une solution de fortune alors que la Birmanie est opposée à toute rapatriation. Bis
Légende test avec chat de Lucas (Lucas/Libération)
publié le 31 janvier 2021 à 15h10

“Regardez toutes ces lumières, elles proviennent des panneaux solaires et de deux générateurs. En tout, nous avons construit 42 kilomètres de routes. On voit bien les bâtiments habités. Là-bas, on voit l’embarcadère, et là le phare. Il faudra venir quand la pandémie sera finie”. Perché sur le toit d’un abri anticyclonique, le Commodore Mahmoonxxx, qui supervise les travaux depuis trois ans, filme pour Libération avec son smartphone et une fierté non dissimulée la ville nouvelle créée sur Bhasan Char, une île alluvionnaire surgie dans la baie du Bangladesh il y a une vingtaine d’années. Sur xxx hectares, des ensembles d’habitations au toit rouge sont rangées au cordeau, répondant au même plan qui semble inspiré des villas romaines. Chaque îlot résidentiel est constitué d’une cour carrée, entourée d’une enfilade de studios de parpaing reliés par une coursive, avec des sanitaires et des cuisines collectives. L’ensemble, conçu pour accueillir 100 000 réfugiés rohingyas, ce peuple musulman chassé de Birmanie par une opération de nettoyage ethnique en 2017, a été construit en trois ans par la Marine nationale bangladaise sur un char, ces îles éphémères qui parsèment la baie du Bengale.

Azara (1) est arrivée depuis les camps de Cox’s Bazar avec le premier navire de la marine, le 4 décembre, muni pour l’occasion de rangées de sièges sur le pont. Depuis, deux autres transferts ont été réalisés, et l’île compte désormais autour de 6000 habitants. Elle nous envoie des photos de la vie qui s’organise. On y voit du linge sécher sur la coursive, des habitants s’affairer à construire un poulailler, des enfants s’amuser à pousser un triporteur dans la cour, des étendues sableuses parsemées d’arbustes, des buts de foot, un entrepôt décoré d’un grand poster : “Sheikh Hasina (Première ministre du Bangladesh), mère de l’humanité”. “La plupart des gens sont contents d’être ici, car la situation dans les camps est très mauvaise. Pour sortir, il faut désormais franchir plusieurs clôtures de barbelés, et les gangs font régner la terreur, raconte la jeune femme par messagerie instantanée. Ici, le paysage est joli. Des gens pêchent avec des filets, d’autres montent des petites échoppes.” Elle a même photographié les douches et un robinet, un confort oublié depuis longtemps. Shahin, un autre réfugié arrivé en décembre aussi, joint par téléphone, ne cache pas son excitation : “Je suis très heureux ici”.

Il y a quatre ans, Azara a dû quitter en catastrophe son emploi et sa maison pour fuir avec sa fille l’opération de nettoyage ethnique menée par le régime birman et les milices bouddhistes dans l’Etat de l’Arakan. Comme elle, en quelques mois, 750000xx Rohingyas ont fui vers le Bangladesh tout proche, s’ajoutant aux 250000 arrivés suite à de précédentes vagues de violence et donnant naissance au plus grand camp de réfugiés du monde. La passivité de la communauté internationale devant le refus de la Birmanie d’assurer un retour digne et juste à ces musulmans persécutés a généré un casse-tête insoluble pour le Bangladesh, pays d’Asie qui compte près de 170 millions d’habitants sur un territoire grand comme un tiers de la France. Dès 2015, le gouvernement avait eu le projet très controversé de reloger les Rohingyas arrivés lors de précédentes vagues de violence sur cette île déserte située à trois heures de bateau de la ville de Chittagong, et à 7 km de l’île habitée la plus proche. Un coup d’accélérateur a été donné ces trois dernières années, et 370 millionswxxx investi dans ce projet titanesque très controversé.

Dans le district de Cox’s Bazar, où près d’un million de réfugiés s’entassent dans un immense dédale d’abris de bambous et de toiles, les familles, traumatisées, déracinées, étaient terrorisées à l’idée de s’éloigner de leur terre natale, visible de l’autre côté du fleuve, et de quitter le fragile monde qu’ils avaient pu reconstruire pour un endroit inconnu baptisé de plus “Bhasan Char”, ce qui signifie en bangladais et en rohingya “île flottante” . Mais alors que les pionniers poussent leurs proches à les rejoindre, que la violence et la misère sont rendues encore plus dures à supporter du fait de la suspension des activités des ONG pour cause de Covid-19, l’île fait désormais rêver.

Officiels et réfugiés, tout le monde semble d’accord pour trouver les infrastructures réussies. L’île, grande comme trois fois Paris, offre des larges espaces, où paissent des troupeaux installés là par le gouvernement et où les réfugiés pourront cultiver des potagers. Mais le projet est

liberté

travail


tailleur

mosquée

droits

justice

carte

mahadi

ONU

Mayyu

Cyclone


, certains s’imaginent un avenirMais le Bangladesh ne nous donne toujours pas de carte de réfugié, alors nous n’y croyons pas trop. Mais moi, je ne pourrais jamais être heureuse ici. Je veux rentrer chez moi, en Birmanie.”

, entourée quelques et un une digue de 3x mètres qui protège des vagues de submersion.


l’île es




et qui n’a pas signé la convention des Nations unies de Genève 51


, et un cauchemar pour ses habitants déracinés.


“Je ne voulais pas venir sur l’île, mais mes proches s’étaient inscrits sur la liste, et c’était trop dangereux de rester seule dans le camp avec ma fille de 13 ans”.


. Azara est veuve, et . Villages incendiés, assassinats, viols... L’opération de