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Opposer les générations : un déni de réalités

L’idée que l’on sacrifie les jeunes pour des personnes âgées sans avenir infuse, notamment sur les réseaux sociaux. Pourtant, ni le confinement des uns, ni la «liberté» d’aller boire un verre dans un pub des autres, ne libérera les corps et les esprits de l’angoisse de l’infection.
par Bridgette Gigi, This is the Role
publié le 19 février 2021 à 20h13

D’abord, il n’est pas vrai que seule la composante démographique joue dans la dangerosité du Covid-19. Nous croyons avoir montré dans une étude sur la surmortalité dans le Grand Paris, dont les grands médias nationaux se sont largement fait l’écho (le Monde du 4 novembre 2020, dépêche de l’AFP, le Figaro, du 6 novembre), que les atteintes létales de la pandémie étaient aussi sociales que démographiques, que la Seine-Saint-Denis, plus jeune et plus pauvre, était beaucoup plus affectée que les arrondissements bourgeois, vieillis, de l’Ouest parisien (1) . Réduire les effets de la maladie à un combat douteux de jeunes protégés et de vieux menacés est simpliste : autant qu’une fracture d’âges, c’est une fracture de société qu’ils révèlent.

Se donner les moyens pédagogiques, économiques et humains

Ensuite, l’opinion avancée repose sur une méconnaissance de la réalité de la santé publique et de la prise en charge des malades. Sans vouloir apitoyer sur les souffrances des patients atteints par le coronavirus, quel que soit leur âge, sur la fatigue, le dévouement, et parfois le désarroi, des personnels soignants, comparer une morbidité structurelle à une atteinte épidémique relève pour le moins d’une certaine légèreté dans la conception de l’histoire de la médecine. On ne peut pas mettre en parallèle, pour en comparer les bilans de mortalité, une morbidité structurelle liée au vieillissement des populations (maladies cardiovasculaires, AVC, cancers), et une atteinte épidémique, accidentelle, quels qu’en soient la durée et le caractère cyclique et éventuellement répétitif. A cet égard, et de façon cynique, que pèseraient les quelque 54 000 supplémentaires morts de l’année 2020 par rapport aux 600 000 décès enregistrés en année «normale» dans notre pays. Si toutes les disparitions sont des drames individuels, il en est qui apparaissent plus insupportables, parce qu’injustifiées. Et les effets de l’épidémie ne se limitent pas aux décès directs entraînés par elle. Il faut leur ajouter la mortalité induite, souvent à terme, par la surcharge des systèmes de santé.