«OK dans trente secondes.» Rudy et Omar, chacun devant leurs quatre écrans aux graphiques multicolores, s'affairent. «- 0,63 % à six mois, - 0,61 % à un an. Est-ce que tu peux mettre à disposition le max ? Je coupe à - 0,62 %», dit le premier. Six minutes après cet échange codé, 6 milliards d'euros ont été empruntés sur les marchés financiers. Serait-ce un remake de Wall Street dans la salle des marchés d'une grande banque française ? Tout pourrait porter à y croire. Les écrans foisonnants de graphiques, l'ambiance légèrement tendue, les costumes de bonne coupe assortis aux cravates sobres et aux chemises blanches sans faux pli.
Et pourtant, la séquence vient de se dérouler au cœur même de l’appareil d’Etat. Plus précisément au ministère de l’Economie et des Finances. Le neuvième étage du bâtiment Colbert abrite les locaux de l’Agence France Trésor (AFT). Ici, on gère les besoins d’argent frais du pays, à partir d’une vaste pièce dans laquelle on ne pénètre pas sans un badge spécial. En ces lieux, pas moins de 293 milliards d’euros d’emprunts vont être lancés en 2021… si tout va bien. Car, en cette période de crise sanitaire, les besoins de financement de l’Etat ont tendance à gonfler au fil du temps. L’an dernier, il a fallu pas moins de quatre budgets rectificatifs afin de faire face aux 40 milliards de dépenses nouvelles, en vue de soutenir une économie malmenée par le coronavirus.
Alors, chaque lundi et deux jeudis par mois, le rituel est identique. Un ap