C'est une pénurie qui n'ose pas dire son nom. On parle donc de «difficultés d'approvisionnement», de «réorganisation de la chaîne», de «distribution extrêmement tendue». Dans certaines régions de France, d'Allemagne, d'Espagne, les frigos de vaccins sont vides. En France, où la pénurie commence à se faire sentir, on est toujours dans un attentisme déplacé, à se soucier du problème précédent. Suivre les interventions d'Emmanuel Macron depuis le début de cette crise est un peu comme attendre un ami qui est toujours en retard, on lui pardonnerait s'il arrivait avec des excuses plus sincères, ou au moins une idée plus originale.
Et pourtant les chiffres sont là, implacables : le Royaume-Uni, qui a fait cavalier seul, a vacciné plus de 10 % de sa population adulte, tandis que l’Union européenne en est à 2 %, et moins encore en France. Les commandes britanniques de vaccins ont été passées en juillet 2020, celles de Bruxelles en novembre. L’UE affirme que rien ne sert de partir à point, c’est maintenant qu’il faut courir, construire des nouvelles lignes de production, signer de nouveaux accords, forcer la coopération entre perdants et gagnants de cette terrible crise. Tout ceci est vrai à moyen terme, mais avec des nouveaux variants meurtriers déferlant sur ce continent décidément bien vieux, les trois prochains mois risquent d’être terribles. L’UE doit tenir, car son image s’en trouverait gravement atteinte si la solidarité des pays membres volait en éclats. Les premiers signes inquiétants - la Hongrie signant un accord avec la Russie, l’Allemagne songeant à signer un accord indépendant avec des fabricants - risquent de n’être qu’un préambule à une guerre pour un approvisionnement sauvage. Ce n’est pas en exacerbant les tensions que l’Europe va gagner cette course contre la montre, mais en élaborant des solutions rapides et adaptées, même hors cadre. Plus que jamais, la France doit faire entendre sa voix en ce sens.