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Éditorial

Retournement

publié le 30 juillet 2020 à 18h16

Les lourdes pertes semestrielles d’Air France ne doivent surtout pas être interprétées comme un simple accident de parcours. Parmi tous les secteurs touchés par la crise sanitaire et économique, le transport aérien est l’un de ceux qui vont souffrir le plus. Contrairement à l’automobile, où les ventes finiront tôt ou tard par reprendre, la crise est profonde, durable ; liée tout à la fois à une évolution de l’usage des transports et à la lutte contre le changement climatique. La question de la renationalisation du fleuron français, ne serait-ce que partielle ou temporaire, ne relève donc pas de la pure provoc, elle se pose réellement. Elle risque d’ailleurs, comme nous l’expliquons ici, de se produire de facto : incapable de rembourser les prêts accordés par l’Etat, la compagnie n’aura d’autre choix que de laisser celui-ci grimper dans son capital, dont il détient déjà 14,3 %. Et la France n’est pas un cas isolé.

Tous les pays dotés d’une flotte conséquente sont en train de voler au secours de leur(s) compagnie(s), à commencer par l’Italie qui vient de renationaliser Alitalia, menacée de faillite. Quel incroyable retournement de l’histoire ! Nul n’aurait imaginé il y a quelques années, quand les compagnies aériennes n’avaient plus de limites, quand Airbus produisait son super-jumbo A380 pour le transport de masse, qu’un jour reviendrait où l’Etat serait considéré comme le sauveur. C’est que le secteur n’a en rien anticipé l’impact puissant et irréversible du changement climatique qui pousse de plus en plus de passagers (les plus jeunes notamment) à limiter leurs trajets en avion. Et la crise sanitaire a montré que nombre de voyages d’affaires pouvaient être remplacés par des visioconférences. Manque de bol, l’Etat n’a pas anticipé non plus le besoin de développer l’alternative ferroviaire. Après avoir laissé mourir le fret et fermé les trains de nuit, il rétropédale. C’est bien, mais tardif.