Selon nos informations, les pertes d'Air France-KLM pour le premier semestre atteindraient 4 milliards d'euros pour 6 milliards de chiffre d'affaires. «A ce stade, ce n'est même plus que je me fais des cheveux blancs, je n'ai plus de cheveux du tout.» Cette confidence d'un haut dirigeant en dit long sur l'inquiétude qui règne au sommet du groupe de transport aérien.
Sollicitée par Libération, la direction de la compagnie n'a pas souhaité commenter ces chiffres. Certes, la décision anticipée d'Air France de «sortir» de sa flotte de long-courriers ses gros-porteurs A380 pèse pour 500 millions d'euros dans les pertes du premier semestre. Pour le reste, ce niveau exceptionnel de déficit traduit à la fois le marasme général dans lequel se trouvent le transport aérien mondial et la situation on ne peut plus préoccupante d'Air France et de sa cousine néerlandaise KLM. D'autant plus que le transporteur français a déjà reçu pour 4 milliards d'euros de prêts garantis par l'Etat et 3 milliards d'avances remboursables fournies directement par les finances publiques. Or, dans sa situation financière actuelle, Air France ne semble pas en mesure de rembourser cette somme. Ce que confirme un ancien dirigeant de la compagnie : «Les 7 milliards de prêts auront été consommés d'ici la fin de l'année et l'Etat sera obligé de remettre de l'argent.»
Car la situation est aussi critique qu'inédite. Il n'y a plus de clients dans les avions. Le non-remboursement de la dette d'Air France à l'Etat aurait alors mécaniquement une conséquence : la renationalisation pure et simple de la compagnie. Aujourd'hui, l'Etat détient déjà 14,3 % du capital et la valeur de l'entreprise en Bourse excède à peine 1,5 milliard d'euros… soit le prix de seulement huit avions neufs long-courriers de type Airbus A350. L'Etat pourrait donc prendre le contrôle d'Air France-KLM pour moins de 700 millions. Or il possède une créance de 3 milliards d'euros. Pour cet ancien dirigeant de la compagnie, la question ne se pose même plus : «La décision de renationaliser Air France a été prise au moment même où les deux prêts d'un montant de 7 milliards ont été accordés.» Un autre ex-PDG va dans le même sens : «La question n'est pas d'être pour ou contre la nationalisation. Je ne vois pas d'autre solution sans mettre en péril l'existence du groupe.»