Bouton Lire dans l'app Lire dans l'app
Extrême droite

Génération identitaire multiplie les opérations low-cost

Des militants du groupuscule d’extrême droite ont ravivé la flamme de la «préférence nationale» en s’en prenant, samedi, à la députée LREM Sira Sylla et à son projet de défiscalisation des transferts de fonds vers l’Afrique.
Génération Identitaire lors de la manifestation contre le racisme et les violences policières à Paris, le 13 juin. (NICOLAS MESSYASZ/Photo Nicolas Messyasz. Hans Lucas)
publié le 27 juillet 2020 à 16h30

Une poignée de militants, une banderole, trois pancartes et des fumigènes : les moyens sont particulièrement indigents. Et pourtant, l’opération de Génération identitaire (GI) qui s’en est pris à la députée LREM de Seine-Maritime, Sira Sylla, devant sa permanence de Grand-Quevilly, samedi, a fait couler beaucoup d’encre. Une nouvelle action d’agit-prop abondamment relayée sur les réseaux sociaux, donc réussie du point de vue du groupuscule d’extrême droite qui tente à tout prix de se faire entendre au-delà de la fachosphère.

Les militants identitaires entendaient dénoncer le projet de bi-bancarisation porté par la députée, un combat contre les frais ponctionnés par les opérateurs pour les transferts d'argent vers d'autres pays, particulièrement élevés quand il s'agit du continent africain. Sira Sylla, citant des chiffres de la Banque mondiale, avait tiré, début juillet, la sonnette d'alarme, affirmant que la baisse des transferts d'argent vers l'Afrique pourrait atteindre 20% à cause de la crise du Covid-19. Dans une interview au Parisien, l'élue normande jugeait que cette situation était «dramatique non seulement pour les familles restées au pays, mais aussi plus largement pour le développement des pays du Sud, qui est en partie alimenté par ces transferts».

Xénophobie sans fard

Une raison suffisante aux yeux de Génération identitaire pour s'en prendre à la députée et étaler sa xénophobie sans fard. Sur les pancartes brandies par ses militants, samedi, on pouvait lire : «Aidez les Français, pas les Africains», «Moins de défiscalisation, plus de rémigration» ou encore «Pensez à nos emplois, pas à la diaspora», en référence, notamment, au fait que les parents de la députée sont originaires du Sénégal.

L'action des militants d'extrême droite a été condamnée par nombre des collègues parlementaires de Sira Sylla et jusqu'au Premier ministre Jean Castex. Gérald Darmanin, dont le prédécesseur à Beauvau, Christophe Castaner, disait vouloir dissoudre Génération identitaire, a condamné «avec la plus grande fermeté les comportements ignobles dont a été victime» l'élue. «Je lui apporte tout mon soutien. La République ne cédera rien face à l'idéologie haineuse de ces groupuscules extrémistes», a ajouté le ministre de l'Intérieur dans un tweet.

Les militants d'extrême droite ont toutefois reçu le soutien de quelques personnalités du Rassemblement national, dont le groupuscule est très proche. L'action de samedi a, ainsi, notamment été saluée par Jean Messiha. Ou encore par Nicolas Goury, conseiller municipal d'opposition à Petit-Quevilly et ancien membre de Génération identitaire Normandie. Il fait partie des candidats aux dernières élections législatives épinglés par une enquête de Buzzfeed, en 2017. Après avoir été évincé de la CGT en raison de son adhésion au Front national, il s'était vengé en diffusant une photo prise devant le siège du syndicat à Rouen où il fait une «quenelle», geste antisémite popularisé par Dieudonné, «l'humoriste» aux multiples condamnations.

Actions virales

Génération identitaire renoue avec les actions low-cost à fort potentiel de viralité qui l'ont fait connaître, de l'occupation du toit de l'ancien siège du PS rue de Solférino, en 2013, à celui de la CAF de Bobigny, en 2019, en passant par des «tournées de sécurisation» dans les métros de Lille, Lyon et Paris au printemps 2014. Dernièrement, fin juin, le groupuscule a déployé une banderole sur le toit d'un immeuble de la place de la République pour tenter de perturber une manifestation contre les violences policières, organisée par le collectif Vérité et justice pour Adama. Rassemblement que Matthieu Bontant, identitaire normand et cadre local de GI, a qualifié de «zoo» et de «cirque» sur les réseaux sociaux…

Exit les opérations à plusieurs dizaines de milliers d'euros, comme celle du col de l'Echelle, en 2018, qui avait mobilisé deux hélicoptères ; ou «Defend Europe», la croisière de la haine, en 2017, en Méditerranée, pour laquelle GI avait affrété un bateau afin de «repousser» les migrants qui cherchaient à atteindre l'Europe (et qui avait tourné au fiasco). Désormais, le groupuscule est revenu à un activisme à moindres frais.

Comme pendant le confinement à Lyon, lorsque deux identitaires ont projeté à l’aide d’un banal projecteur des visuels anti-islam sur la grande mosquée de Lyon ; comme lorsque le groupe entreprend de payer l’hébergement d’un SDF (mais «bien de chez nous») pendant quelques mois cet hiver, toujours dans la capitale des Gaules ; ou quand il lance une cagnotte pour payer les frais de déplacements et les honoraires de ses avocats, pour les différents procès qui lui sont intentés : Génération identitaire semble désormais se cantonner à des actions de plus faible envergure. Et recourt de plus en plus aux dons militants pour les financer.