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Convention citoyenne

Fini les terrasses chauffées : l’exécutif veut rendre son écologie concrète

Interdiction des chaudières au fioul, isolation : le gouvernement tente de mettre en musique les préconisations de la Convention climat qui n’ont pas besoin de passer par la loi. Mais certaines de ces mesures sont timides ou parfois déjà lancées.
Barbara Pompili à Matignon, le 20 juillet. (Photo Denis Allard)
publié le 27 juillet 2020 à 18h21

Arrêter de chauffer la rue l'hiver ou de la climatiser en plein été. Le Conseil de défense écologique, qui se tenait lundi, aura au moins permis d'annoncer la fin de l'«aberration écologique» - dixit la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili - des terrasses chauffées de cafés et restaurants ou des bâtiments soufflant leur air conditionné, portes grandes ouvertes, par 30°C.

Pour le reste, le rendez-vous instauré par Emmanuel Macron a débouché sur la reprise de plusieurs mesures concrètes préconisées par la Convention citoyenne pour le climat, mais aussi sur certaines annonces en trompe-l’œil.

Réclame

Un mois après les succès des écologistes au second tour des municipales et la réponse du président de la République aux travaux des 150 citoyens tirés au sort, le gouvernement n'avait pas lésiné pour monter en sauce ce point d'étape : tribune de Jean Castex intitulée «Tous écologistes», un mot d'ordre tambouriné par ses ministres sur Twitter ; déplacement du chef du gouvernement et d'un trio de ministres dans le Val-de-Marne pour faire la réclame d'un «plan de reconquête ferroviaire» et annoncer la relance de la ligne de fret Perpignan-Rungis ; interview de Bruno Le Maire dans le Journal du dimanche, martelant son credo de la «relance verte», avant celle de Barbara Pompili dans le Monde. «Tous les voyants sont au vert […], les planètes sont alignées», vend la ministre.

Encore en phase de digestion du copieux rapport de la Convention, le gouvernement a choisi de le découper par tranches. Notamment pour lancer plus vite des mesures relevant du champ réglementaire, avant de transcrire les propositions d’ordre législatif dans un texte prévu pour fin septembre mais programmé au Parlement seulement début 2021, ou de les intégrer au plan de relance dévoilé fin août.

Cette première salve portait donc sur le triptyque : rénovation thermique, maîtrise de la consommation d'énergie, artificialisation des sols. Il est question d'introduire, dans la définition de ce qu'est un logement décent, un critère de performance énergétique. Ce qui permettrait aux locataires d'exiger du propriétaire qu'il engage les travaux nécessaires. Sauf que le gouvernement y va tout doux, en fixant le seuil à une consommation de plus de 500 kW /h au mètre carré par an. On est donc un peu au-delà de la lettre G (plus de 450 kW /h au mètre carré), la plus mauvaise note du diagnostic de performance énergétique… Ce sont 120 000 logements locatifs qui seraient concernés, là où la France compte en tout 5 millions de passoires thermiques. Et la mesure doit entrer en vigueur au 1er janvier 2023, soit après la fin de ce quinquennat…

A partir du 1er janvier 2022 cette fois, il sera interdit d'installer des chaudières au fuel ou au charbon dans des logements neufs. Et leur remplacement devra se faire par des appareils moins polluants. Des aides étaient déjà dans les tuyaux, la ministre déléguée chargée du Logement, Emmanuelle Wargon, promet de les «renforcer massivement».

Moratoire

Si à chaque Conseil de défense écologique l'exécutif package un acte symbolique - ici, l'abandon d'EuropaCity, là le coup d'arrêt au projet de «la Montagne d'or» en Guyane -, cette fois, ce pourrait être la fin du café dehors sous les braseros, rampes à infrarouges ou autres parasols chauffants. De même, «on ne peut pas, pour le simple confort de ne pas avoir à ouvrir la porte d'un magasin, climatiser la rue en plein été», prévient Pompili. Les terrasses chauffées gagnent néanmoins un sursis d'un hiver, le gouvernement ne voulant pas brusquer les restaurateurs «qui ont déjà souffert de la crise du Covid».

Pour lutter contre l'artificialisation des sols qui avale l'équivalent d'un département comme la Drôme tous les dix ans, la ministre reprend l'objectif de la Convention de «diviser par deux le rythme de bétonisation dans la prochaine décennie». Un fonds de plusieurs centaines de millions d'euros, inscrit dans le plan de relance, doit permettre la réhabilitation de friches commerciales. Et le moratoire sur l'installation de zones commerciales, déjà annoncé par Jean Castex, est confirmé. Avant de nouvelles mesures dans le projet de loi de l'automne, charge aux préfets de veiller au grain «dans les dossiers d'autorisations commerciales» ou de saisir la Commission nationale d'aménagement commercial pour les nouveaux projets.

 Etalement

En revanche, pas de gel des implantations d'entrepôts de commerce en ligne. Tout juste est-il envisagé une mission parlementaire pour plancher sur les dispositifs, «notamment fiscaux», qui encouragent l'étalement urbain. «Pendant cette concertation de quelques mois, je ne conçois pas que la France continue à se couvrir d'entrepôts logistiques», a averti dans le Monde Barbara Pompili, sans toutefois s'avancer explicitement sur un moratoire. Une ambiguïté dénoncée par l'association les Amis de la Terre, qui alerte sur deux projets d'Amazon de méga-centres de 76 000 m2 à Belfort et de 190 000 m2 à Ensisheim susceptibles d'être autorisés dans les prochaines semaines.

Pour atteindre son objectif de 30 % d’aires marines et terrestres protégées d’ici à 2022, le gouvernement confirme par ailleurs deux projets déjà annoncés de création de parcs naturels régionaux, au mont Ventoux (Vaucluse) et dans la baie de Somme.

La ministre de la Transition écologique, qui promet de rencontrer des membres de la Convention citoyenne chaque mois afin de suivre l’avancée des travaux, doit retrouver une délégation mercredi pour un round de réunions avec les parlementaires, partenaires sociaux et associations d’élus.