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Au tribunal de Paris, alerte sur des maltraitances racistes

publié le 27 juillet 2020 à 18h21
(mis à jour le 27 juillet 2020 à 20h21)

«Ferme ta gueule, va mourir, espèce de sale bougnoule», «je ne donne pas à boire aux négros» ou encore «si on me laissait faire, je mettrais le feu à toutes ces merguez». A partir du témoignage à visage découvert du brigadier-chef Amar Benmohamed, également officier de police judiciaire, et de centaines de documents internes, le site d'information Streetpress a révélé lundi un système de maltraitance raciste dans les cellules du tribunal de Paris. Des agissements qui se déroulent au dépôt du tribunal judiciaire de Paris, Porte de Clichy, mais qui avaient également déjà lieu dans les sous-sols de l'ancien palais de justice situé sur l'île de la Cité. «Au total, sur un peu plus de deux ans, plus de mille prévenus ont été maltraités. C'est même sans doute plus», dénonce à Streetpress le brigadier-chef Benmohamed, également responsable de l'unité de transfèrement nuit (UTN).

Les auteurs des faits sont des recrues sorties d'école de police. Après trois ans passés à rapporter ces dérives à sa hiérarchie qui a étouffé l'affaire, le brigadier-chef a décidé de rendre public ce climat d'impunité au sein du dépôt du tribunal. Dans la nuit du 12 mars 2019, face à un détenu qui demande un repas sans porc, une gardienne de la paix en poste dans les sous-sols du tribunal lui répond : «Tu prendras ce qu'on te donnera. On en a marre des bougnoules, c'est eux qui nous font chier en France.»

Face à l'inaction de ses supérieurs, le brigadier-chef annonce vouloir alerter les magistrats pour les informer des délits commis dans leur tribunal. Il rédige un rapport à sa hiérarchie, qu'il prend soin d'envoyer à d'autres officiers. De quoi provoquer une réunion de crise. Ses supérieurs lui donnent l'ordre de ne pas ébruiter l'affaire. On lui dit qu'«il a bien fait», que «tout va changer», mais on lui promet aussi «des problèmes» s'il prévient un juge.

Car Amar Benmohamed dérange. Dans un document destiné à l'IGPN révélé par le site d'information, un haut gradé s'attaque au brigadier-chef en dénonçant un «manque de loyauté» et une «méfiance viscérale envers la hiérarchie du service», qui dénotent un «état d'esprit qu'il convient de dénoncer». A Streetpress, la présidence du tribunal affirme qu'elle n'a pas connaissance des faits évoqués.

Dans son témoignage, le brigadier-chef évoque également des repas froids jetés à terre en cellule, des agents qui se vantent d’avoir craché dans les plats des détenus et des insultes homophobes. Depuis son rapport, Benmohamed est victime de harcèlement de la part de ses collègues et de sa hiérarchie.

A partir de 2017, ces cas ont, selon Streetpress, fait l'objet de plusieurs rapports internes et d'au moins trois enquêtes de l'IGPN. Alors que les faits rapportés ont été confirmés par plusieurs agents au site d'information, aucune sanction n'a encore été prise et la justice n'a pas été saisie. Pire, les agents mis en cause ont vu leur carrière progresser et leurs demandes de mutation acceptées.