Quand ils débarquent samedi à l'aéroport de Roissy, les deux grands gaillards américains, look heavy metal, passent à côté du stand de dépistage au Covid-19 sans le voir. Certes, les affiches sont en français, mais l'annonce sonore de l'Agence régionale de santé qui invite les voyageurs à se faire tester «gratuitement et rapidement» est bien en anglais. Si Daniel vient de Chicago, Chris, lui, arrive de Tampa, en Floride, Etat qui a enregistré 12 000 nouveaux cas depuis vendredi. Ils ont été testés lundi et mercredi, avant le délai maximal de 72 heures précédant leur vol, ce qui les expose théoriquement à une quarantaine, à la guise du préfet, selon le décret entré en application ce samedi. Mais ils n'ont pas le temps de se soumettre de nouveau à l'écouvillon dans le nez : leur train pour Bordeaux les attend. Au moins, ils ont rempli une fiche de traçabilité, Air France connaît leur destination finale. Et à la sortie de l'avion, une caméra thermique a vérifié si les voyageurs présentaient de la fièvre, l'un des symptômes de la maladie, auquel cas ils n'auraient pas pu échapper au dépistage.
«Présenter un test dans les temps, c'est impossible !» peste Laurent, qui arrive également de la zone rouge américaine pour rejoindre sa compagne française. Il a passé le sien dans un laboratoire new-yorkais, mercredi, et n'aura les résultats «que dans sept à dix jours». Mais il n'a pas été inquiété à son arrivée en France. Il raconte qu'à l'aéroport de New York, il n'y a pas de stand comme ici à Roissy, il a du coup volontiers profité de l'opportunité parisienne. Il recevra les résultats par mail, dans les 48 heures maximum : avec un code, il pourra y accéder même sans numéro de téléphone français (contrairement à une idée qui circule) et un médecin le contactera s'il est porteur du virus.
Même gratuit et rapide, le test n'attire pas les voyageurs, soit mal informés, soit indifférents, soit blasés. Une trentenaire française ralentit devant le stand puis passe son chemin. «Je suis épuisée, justifie celle qui est partie de Los Angeles dix heures avant. J'ai fait un test il y a un mois. Maintenant, faudrait en faire tous les jours !» Venues par le même vol, une mère et sa fille n'ont pas cherché à être dépistées aux Etats-Unis : «On savait qu'on pouvait l'être ici», indiquent les Franco-Américaines, de fait passées par l'écouvillon parisien. Les autorités connaissent leurs numéros de siège, pour prévenir leurs voisins de vol, au cas où…
D'ici le 1er août, la France va resserrer les mailles du filet : les voyageurs en provenance des Etats-Unis, du Brésil, d'Algérie, d'Inde et de douze autres pays où le virus circule activement devront non seulement présenter un test PCR (dans le nez) négatif avant d'embarquer vers la France, mais aussi le refaire à leur arrivée. Le virus peut en effet n'être détecté qu'au bout de plusieurs jours. Cela pourra concerner, à Roissy, jusqu'à 3 000 personnes par jour. Vendredi, Santé publique France enregistrait plus de 1 000 malades supplémentaires et onze nouveaux clusters.