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Santé

A Roissy, le Covid peut encore passer incognito

Depuis samedi, les passagers arrivant en France peuvent être placés en quarantaine s'ils n'ont pas fait de test Covid dans les 72 heures précédant leur vol. Mais samedi, à l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, nombreux se trouvaient dans ce cas et n'ont pas profité du test gratuit proposé.
Le dispositif pour se faire tester du Covid-19 dans le hall de l'aéroport de Roissy, vendredi. (Denis ALLARD/Photo Denis Allard pour Libération)
publié le 26 juillet 2020 à 13h05

Quand ils débarquent samedi dans le terminal 2E de l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, l'air perdu, ensommeillé et ahuri des voyageurs long-courrier, deux grands gaillards, look heavy metal américain, passent à côté du stand de dépistage au Covid-19 sans le voir. Certes, les affiches qui les attendent sont en français, mais l'annonce sonore de l'Agence régionale de santé (ARS) qui invite les voyageurs à se faire tester «gratuitement et rapidement» est bien en anglais, avec accent crédible. Peu importe, Daniel et Chris n'ont rien entendu.

Ils viennent de Chicago (Illinois) et de Tampa, en Floride, Etat qui a enregistré 12 000 nouveaux cas depuis vendredi. Eux ont fait le test les lundi et mercredi précédents, donc pas dans les 72 heures avant leur vol, ce qui les expose théoriquement à une mise en quarantaine obligatoire, à la guise du préfet, selon le décret entré en application ce même samedi matin. Mais ils n’ont pas le temps de se soumettre de nouveau à l’écouvillon dans le nez : leur train pour Bordeaux les attend. Au moins, ils ont rempli une fiche de traçabilité, Air France est au courant de leur destination. Et à la sortie de l’avion, une caméra thermique a vérifié si les voyageurs présentaient de la fièvre, l’un des symptômes de la maladie, auquel cas ils auraient été obligés de se soumettre à un dépistage.

Accolade et selfie

«Présenter un test dans les temps, c'est impossible !» envoie Laurent, qui arrive également de la zone rouge américaine pour rejoindre sa compagne française. Il a passé le sien dans un laboratoire new-yorkais, mercredi, et n'aura les résultats «qu'entre sept et dix jours». Mais il n'a pas été inquiété à son arrivée en France. Il raconte qu'à l'aéroport de New York, il n'y a pas de stand comme ici à Roissy, il a du coup volontiers profité de l'opportunité parisienne. Il recevra les résultats par mail, dans les 48 heures maximum : avec un code, il pourra y accéder même sans numéro de téléphone français (contrairement à une idée qui circule) et un médecin contacte le patient s'il est porteur du virus.

Même gratuit et rapide, le test n’attire pas les voyageurs, soit mal informés, soit indifférents, soit blasés. Au Costa Rica où il a passé dix mois, la mini-opération était trop chère pour Niko. Le jeune homme de 23 ans va rejoindre l’Autriche en car avec ses parents, qui ont fait la route pour venir le chercher. Après une accolade et un selfie, ils s’apprêtaient à partir, avant d’apprendre in extremis que le barnum est ouvert aux étrangers. Et Niko de se faire tester – ses parents, eux, jugent ne pas en avoir besoin pour s’y être soumis des semaines auparavant…

Une Française trentenaire, en pantalon hippie, ralentit devant le stand, hausse les épaules et passe son chemin. «Je suis épuisée, justifie celle qui est partie de Los Angeles il y a dix heures. J'ai fait un test il y a un mois, maintenant faudrait en faire tous les jours !», ironise-t-elle, agacée. Du même vol, une mère et sa fille n'ont pas cherché à être dépistées dans leur Etat américain. «On savait qu'on pouvait l'être ici», indiquent les Franco-Américaines, de fait passées par l'écouvillon parisien. Les autorités connaissent leurs numéros de siège, pour prévenir leurs voisins de vol, au cas où…

Un Flamand de 57 ans, arrive lui aussi d'une zone rouge : Rio de Janeiro. Il a également un train à prendre et vérifiera plus tard qu'il n'a pas le Covid. «Faire la queue, c'est rebutant», glisse Dris, 55 ans, qui a, lui, réussi à savoir qu'il était covido-négatif dans les temps, à Atlanta. Pourtant, la file est fluide, quand elle n'est pas vide.

Dépistage à l’arrivée bientôt obligatoire

Mais d'ici le 1er août, l'Etat français va resserrer les mailles du filet : les voyageurs en provenance des Etats-Unis, du Brésil, de l'Algérie, de l'Inde et de douze autres pays où le virus circule activement, devront non seulement présenter un test PCR (dans le nez) négatif avant d'embarquer vers la France, mais le refaire à leur arrivée. Le virus peut être en effet détecté seulement au bout de plusieurs jours. Cela pourra quotidiennement concerner, à Roissy, jusqu'à 3 000 personnes. Leur nombre reste limité car ces vols ne sont pas touristiques mais motivés par des raisons personnelles ou professionnelles.

En attendant, Patrick du Brésil, les Américains Daniel et Chris, Sipan d’Arménie, Alexis de Montréal, et bien d’autres voyageurs qui sont entrés ce samedi dans l’espace Schengen, ne savent pas s’ils sont porteurs du Covid. Vendredi, Santé publique France enregistrait plus de 1 000 malades supplémentaires et onze nouveaux clusters en vingt-quatre heures.