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Éditorial

Sur le qui-vive

publié le 8 avril 2020 à 18h11
(mis à jour le 8 avril 2020 à 20h11)

C’est l’habitude qui est dangereuse… Les démocraties ont le droit, lorsqu’elles sont menacées d’un grave péril, de suspendre provisoirement les libertés pour mobiliser toutes les ressources nécessaires à la victoire. De 1940 à 1945, Winston Churchill exerça un pouvoir dictatorial sur la Grande-Bretagne. Mais les libertés furent rétablies dès la fin des hostilités. Il en va de même en matière sanitaire : le gouvernement peut légitimement s’emparer de pouvoirs exceptionnels pour lutter contre une épidémie, à condition qu’ils soient jugés indispensables par le Parlement et l’opinion et qu’ils soient abolis une fois le danger écarté. Est-ce le cas en France ? Jusqu’à preuve du contraire, oui. Alors que le confinement édicté par les autorités a instauré un véritable régime policier, avec privation de liberté, laissez-passer obligatoire et contrôles massifs, cette stratégie a été réclamée par les médecins, votée - et amendée - par le Parlement et approuvée par l’opinion. Elle est licite pour deux mois, renouvelable après vote du Parlement, et doit prendre fin une fois la pandémie maîtrisée. L’ennui, c’est qu’une fois mises en place, ces règles d’exception laissent des traces. La législation est abolie en gros, mais certaines dispositions subsistent en détail, comme dans le cas de la loi antiterroriste. De nouveaux outils sont expérimentés, remisés une fois l’alerte passée, mais restent dans les placards, propres à un nouvel usage. Et surtout, l’opinion s’habitue insidieusement aux contrôles. C’est un processus de mithridatisation qui risque d’instiller par petites doses le poison autoritaire dans le corps social. La France reste une démocratie. Mais à la faveur des menaces terroristes ou sanitaires, elle s’abandonne à une forme de servitude volontaire. Aussi les organisations de défense des droits de l’homme ont raison d’être sur le qui-vive. En matière de libertés, on a toujours intérêt à crier avant d’avoir mal…